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Rencontre avec un enseignant-chercheur de l'Université

Nicolas Chanavat, professeur des Universités

Enseignant-chercheur au laboratoire CETAPS, Vice-Président de l’Académie Nationale Olympique Française en charge du CEOF

"Le Centre d’Etudes Olympiques Français (CEOF), que je dirige, a pour principal objectif de soutenir et de fédérer les recherches olympiques en sciences humaines et sociales au sens large. Le CEOF renforce ainsi les synergies entre le monde olympique et celui de la recherche, ce qui le positionne comme un acteur académique majeur pour les Jeux Olympiques de Paris 2024."

  • Présentez-vous, présentez votre parcours ?

La singularité de mon positionnement scientifique repose sur une expérience terrain et internationale forte qui s’est construite en synergie de mon parcours académique. J’ai découvert l’univers du football professionnel en travaillant pour l’AS Saint-Etienne et la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), puis le monde olympique à travers le programme européen INTERREG IIIB Sports Event Network for Tourism and Economic Development of the Alpine Space et les Jeux Olympiques de Turin 2006.

J’ai réalisé un doctorat sur la mesure de l’efficacité du sponsoring sportif entre les Universités de Lyon I et Loughborough (Royaume-Uni), puis j’ai pris la direction du Master 1 Management du Sport et j’ai été nommé chargé de mission « Olympisme et Jeux Olympiques » à l’Université Paris Saclay. Professeur des Universités à l’UFR STAPS de l’Université Rouen Normandie depuis 2019, je dirige le Master Management du Sport Professionnel, l’équipe de recherche en management et l’axe Stratégie et Performance des Organisations Sportives (SPOS) du Centre d’Etudes des Transformations des Activités Physiques et Sportives (CETAPS) et le programme européen Sport Good Governance Game qui s’insère dans les actions de l’URN, sa politique d’internationalisation et la récente obtention du label Développement Durable et Responsabilité . L’objectif principal de ce projet est de sensibiliser les (futurs) managers des organisations sportives européennes sur l’importance d’une « bonne gouvernance ».

Mon engagement pour le mouvement olympique et sportif et la recherche m’amène à cofonder puis diriger le Centre d’Etudes Olympiques Français (CEOF) en tant que Vice-Président de l’Académie Nationale Olympique Française (ANOF). Je m’investis également dans l’organisation et l’accompagnement scientifique d’événements comme l’UEFA EURO 2016 et suis nommé membre du conseil scientifique du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (COJOP 2024). Celui-ci a pour but de contribuer durablement au mouvement sportif, à l’organisation de grands événements et à la promotion de la place du sport dans la société.

Toutes ces activités sont bénéfiques pour la recherche, le collectif, le rayonnement de l’URN, de l’UFR STAPS et du CETAPS et favorisent la professionnalisation des étudiants du master MSP que je dirige. Elles permettent aussi de nourrir ma réflexion et celle des doctorants et chercheurs du CETAPS que j’accompagne dans une quête d’excellence en termes de recherche.

 

  • Quelles sont vos thématiques de recherche ?

Mes recherches s’articulent autour de deux axes composés de deux volets chacun. Complémentaires et interconnectées, elles combinent à la fois les perspectives des organisations (offre) et des consommateurs (demande), ainsi que des approches de recherche appliquées et fondamentales. À partir de plusieurs approches conjuguant méthodologies qualitatives et quantitatives, mes travaux contribuent tout particulièrement à l’analyse du management stratégique et de la consommation de la marque dans l’univers olympique, le football professionnel et les grands événements sportifs internationaux (GESI).

Plus précisément, le premier axe de recherche concerne la mesure et l’analyse du comportement du consommateur à l’égard des marques et des spectacles sportifs. Le premier volet examine l’évaluation de l’efficacité́ du sponsoring sportif et du pseudo-parrainage vis-à-vis du fan. Le deuxième volet s’intéresse plus largement à la perception et à l’expérience client à l’égard des entités sportives professionnelles globalisées.

Le second axe a trait aux logiques marketing adoptées par les clubs professionnels de football français et étrangers, mais aussi par les sponsors ou les fédérations sportives. Enfin, mes travaux examinent les stratégies organisationnelles et marketing des GESI : dossier de candidature, phase opérationnelle et « programme volontaires ». Ces travaux, qui s’intéressent tout particulièrement à l’univers olympique, s’enrichissent notamment à travers des collaborations inter-axes au sein du CETAPS.

 

  • Sur quelles études travaillez-vous actuellement avec les différentes structures olympiques dans le cadre de l’organisation des JO 2024 ?

Dans un système olympique et sportif confronté à de nouveaux défis, l’ANOF occupe un rôle majeur en étant garante des valeurs de l’olympisme en France. En son sein, le CEOF, que je dirige, a pour principal objectif de soutenir et de fédérer les recherches olympiques en sciences humaines et sociales au sens large. Le CEOF renforce ainsi les synergies entre le monde olympique et celui de la recherche, ce qui le positionne comme un acteur académique majeur pour les Jeux Olympiques de Paris (JOP) 2024. C’est pourquoi je travaille actuellement sur un projet ANR fédérateur autour de la mesure et de la diffusion de ces valeurs dans la perspective des JOP 2024.

Mais au-delà de mes propres travaux, les activités du CEOF s’organisent autour de trois principaux axes. D’une part, il œuvre pour la préservation de la mémoire du sport français via le programme MéMoS, à travers deux missions : la constitution d’un thésaurus d’interviews de grandes personnalités qui ont marqué l’histoire du monde sportif et la préservation des archives des fédérations. Il organise d’autre part des manifestations scientifiques et grand public à résonnance nationale ou internationale (colloques, conférences, tables rondes, etc.) sur des thématiques liées à l’olympisme . Dans la perspective des JOP 2024, l’objectif est de réunir les centres d’études olympiques nationaux, les chercheurs et les professionnels des cinq continents pour partager leur vision et proposer des programmes conjoints dans le domaine des études olympiques. Enfin, le CEOF propose un programme annuel de bourses de recherche sous l’angle des sciences humaines et sociales destinées à des étudiants de master, de thèse de doctorat ou à des chercheurs confirmés et facilite la publication de recherches scientifiques. Quatre projets sont par exemple financés cette année : « Transidentité et compétitions sportives : controverse autour des politiques d’inclusion du CIO et des fédérations internationales » (Lucie Pallesi de l’Université Paris Saclay) ; « Comment Paris 1924 a ouvert la voie à Paris 2024 et l’évolution du spectacle Olympique » (Roxane Coche de l’Université de Floride -USA) ; « L’hybridité organisationnelle : un choix d’avenir pour les associations sportives ? » (Simon Gerard de l’Université de Coventry – UK) ; « Représentations sociales et appropriation spatiales de la pratique du skateboard à Rouen » (Romain Lepillé de l’URN).

Le CEOF propose un accompagnement spécifique à ces « chercheurs-citoyens ». Car l’une de ses forces réside dans la diversité des membres du comité scientifique, qui regroupe les domaines universitaires et professionnels (fédération, comité olympique, comité d’organisation d’événement, ministère, collectivité, club, etc.), français et étrangers. Au fil des années, l’engouement de la communauté scientifique et du mouvement olympique pour ce programme s’est renforcé. Le CEOF entretient ainsi des relations étroites avec le Comité National Olympique et Sportif Français, le Centre d’Etudes Olympiques du Comité International Olympique (CIO) de Lausanne et le COJOP 2024 que j’accompagne en tant que membre de son conseil scientifique.

C’est grâce à cet engagement au sein d’institutions olympiques que l’URN participe pour la première fois à un programme européen ERASMUS+, que les étudiants sont accueillis au CIO à Lausanne ou dans les locaux du COJOP 2024, etc. Ces activités s’insèrent plus globalement dans les actions de l’URN et la récente obtention du label Génération 2024 dans la perspective des JOP 2024.

 

  • Co-directeur de l’ouvrage « Les défis de l’olympisme, entre héritage et innovation », que représente l’olympisme aujourd’hui dans notre société ?

Plus que jamais, dans un contexte de crise sociale, nos sociétés prônent des valeurs humanistes. Ces mêmes valeurs, portées par les instances olympiques, sont clairement définies et inscrites dans la Charte olympique du CIO. En effet, l’olympisme est une philosophie d’inspiration antique et d’aspiration universelle, se voulant porteuse de trois valeurs essentielles : l’excellence, le respect et l’amitié.

L’ouvrage que vous citez, préfacé par Thomas Bach, président du CIO, rassemble une partie des travaux produits par les lauréats du programme de bourses du CEOF . Il se propose justement de donner des éléments de réponse sur plusieurs problématiques sociétales et se veut le fruit d’une démarche commune dans laquelle les chercheurs et les acteurs de terrain collaborent au service de la recherche et du système olympique. Forts de bases théoriques solides et de cas concrets, les contributeurs, spécialistes de différents domaines allant de l’histoire au marketing, en passant par l’e-sport, ou encore la littérature, dressent un état des lieux et proposent des réflexions inédites afin de mieux comprendre le système olympique et les nouveaux défis auxquels il doit faire face.

Face à ces multiples défis, les acteurs de la sphère olympique dans son ensemble semblent prêts à une mutation profonde afin de s’adapter à l’évolution de leur écosystème. Toute la difficulté se situe dans la recherche d’équilibre, entre préservation de l’identité et adaptation au changement. Ici réside tout l’enjeu de l’olympisme dont la pérennité passe par une continuité dans son discours passé, présent et futur. Il convient ainsi pour le mouvement olympique de s’appuyer sur ses traditions, tout en innovant dans le but de léguer un héritage positif dans de nombreux domaines : éducation, culture, santé, inclusion, etc.

 

  • Quel impact les Jo 2024 auront sur le territoire normand ?

L’inscription des JOP 2024 dans le temps est paradoxale : des années de préparation, quelques jours de compétition et des effets qui peuvent perdurer au-delà d’une génération. Car, il est entendu que les territoires d’accueil d’un événement de cette ampleur se doivent de laisser un héritage pluriel et positif sur le long terme. Alors que l’on se contentait jusqu’alors d’un simple chiffre d’impact économique à court terme, l’héritage représente aujourd’hui un concept multifactoriel dont les principales composantes relèvent de champs divers : l’économique, le social, le politique, le culturel ou le sportif. La notion d’héritage peut recouvrir ainsi des domaines de plus en plus variés à travers la prise en considération d’une pluralité de thèmes : le développement territorial, l’éducation, l’environnement, etc.

Si les JOP 2024 se déroulent essentiellement à Paris, ce sont les Jeux de toute la France . Afin de fédérer et de toucher un maximum de citoyens, plusieurs dispositifs innovants sont mis en place. Le label « Terre de Jeux 2024 » valorise ainsi les territoires qui œuvrent pour une pratique du sport plus développée et inclusive. C’est le cas de plusieurs centaines de collectivités territoriales normandes qui sont labélisées : de Duclair à Ouistreham Riva-Bella, en passant par Cherbourg-en-Cotentin, Caen, Le Havre ou Rouen. Car si la région Normandie, proche géographiquement de Paris, n’accueille pas d’épreuves, elle s’est saisie, depuis 2017, de l’opportunité des JOP 2024.

Premièrement, l’idée est de faire de la Normandie une destination privilégiée pour le sport de haut niveau à l’international en consolidant un réseau régional des grands équipements afin d’accueillir des délégations lors de la préparation des JOP 2024 et de futures GESI. C’est pourquoi la région a engagé un vaste programme de modernisation des équipements sportifs. La Normandie dispose de structures sportives performantes telles que le Kindarena à Rouen, la base nautique de Caen ou le Centre Sportif de Normandie situé à Houlgate pour devenir base arrière des Jeux. La délégation de natation canadienne a par exemple fait le choix de son camp d’entraînement à Caen pour préparer les Jeux du Commonwealth, puis les JOP 2024. S’agissant des événements sportifs, la Normandie vient d’accueillir le mois dernier 5000 lycéens âgés de 15 à 18 ans, venus de 80 pays et engagés dans 19 sports différents pour la Gymnasiade 2022 qui s’apparente à des Jeux olympiques et paralympiques scolaires.

Deuxièmement, les Jeux permettent de renforcer la promotion du sport pour tous en Normandie, dans le quotidien des normands. Car ce territoire est une « réelle » terre de sport : plus de 750 000 licenciés pratiquent au sein de plus de 8000 clubs. Il s’agit de profiter de la dynamique des JOP 2024 pour favoriser les synergies entre les parties prenantes du système olympique : ligues, comités départementaux, collectivités, partenaires, etc. C’est d’ailleurs pour transmettre le gout du sport et fédérer les jeunes des établissements scolaires et de l’enseignement supérieur autour des valeurs olympiques et des JOP 2024 qu’est créé le label Génération 2024. L’URN fait partie des établissements normands labélisés et je suis ravi de pouvoir contribuer à la valorisation de celui-ci au travers de mes activités académiques et olympiques.