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Rencontre avec un enseignant-chercheur de l'Université

Williams Lefebvre, professeur des universités en physique des matériaux

Microscopiste à l'UFR Sciences et techniques, laboratoire GPM (Groupe de Physique des Matériaux)

"La microscopie, m’a permis de comprendre les choses pour pouvoir les expliquer ensuite. L'idée est d'aller voir l’invisible. Si on vous donne un bout de quelque chose, qu'est-ce qu'il y a dedans ?"

  • Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

Je m’appelle Williams Lefebvre et je suis enseignant-chercheur à l’université de Rouen Normandie et à l’école d’ingénieurs ESITech. J’avais également fait mes études ici à partir de 1993, dont ma thèse entre Paris et Rouen, entre deux laboratoires : l’ONERA (Office national d’études et de recherches aérospatiales) à Paris et le GPM (Groupe de physique des matériaux) à Rouen. J’enseigne depuis 1999. J’ai eu la chance de participer à la création de l’École d’Ingénieur ESITech où je suis aujourd’hui responsable de la dernière année du parcours physique pour la santé.

Côté recherche, je suis un microscopiste et un métallurgiste. Je suis un vrai amoureux de la microscopie, notamment de la microscopie électronique en transmission et de la sonde atomique tomographique, qui est une technique qui a été co-inventée au GPM au début des années 90. Je suis vraiment passionné par l’idée d’aller voir la matière en trois dimensions, d’aller comprendre ce qu’il se passe. Cela permet de faire des choses relativement fondamentales, comprendre des phénomènes physiques, chimiques assez complexes. Et dans le domaine applicatif, cela permet d’alléger des structures de nouveaux alliages d’aluminium ou de magnésium, de créer de nouveaux matériaux pour la santé, des alliages à base de titane.

En recherche, j’ai également quelques responsabilités. Je dirige notamment une fédération de recherche qui regroupe neuf plateformes de microscopie, dont le GPM fait partie. C’est aussi pour cela que j’ai la chance d’être impliqué dans le comité d’organisation du 18e colloque de la société française de microscopie.

 

  • Comment devient-on passionné de microscopie ?

Comme beaucoup de gens dans ces métiers-là, j’aime bien donner du sens à ce que je fais. Depuis mon enfance, j’aimais bien expliquer les choses. La microscopie, cela m’a permis de les comprendre pour pouvoir les expliquer ensuite. L’idée est d’aller voir l’invisible. Si on vous donne un bout de quelque chose, qu’est-ce qu’il y a dedans ? Belle question ! Au début on prend des loupes, ensuite on met des lumières, on met des lasers. Puis on apprend vite qu’une grosse machine existe. Un professeur me l’a montré lors de ma dernière année à l’université. Et là, cela a été le coup de foudre. Je me suis dit : « voilà, c’est cela que je veux faire ».

 

  • Du 3 au 7 juillet 2023, le 18e colloque de la Société Françaises des Microscopies est organisé à Rouen. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est un colloque où on a l’occasion, trop rare, de se rejoindre via l’utilisation de certaines machines, de certains instruments, avec des collègues qui ne sont absolument pas de notre domaine scientifique. C’est un colloque qui rassemble des spécialistes du traitement de l’image, des spécialistes des sciences du vivant et des spécialistes des sciences des matériaux… À cela, vous ajoutez tous les équipementiers de ces machines et vous vous retrouvez avec une espèce d’écosystème assez riche, qui donne l’occasion de faire de belles rencontres et d’avoir des idées. C’est la 18ᵉ édition de ce colloque qui est biannuel. C’est la troisième fois que nous candidatons, c’est pour dire que nous étions motivés pour l’avoir. Quand je dis « nous », je parle d’une équipe rassemblant des personnels de la plateforme PRIMACEN et du Groupe de Physique des Matériaux. Nous attendons entre 200, 250 participants, des gens qui viennent de toute la France, mais aussi des pointures internationales. Nous essayons de faire la part belle aux jeunes : aux doctorants, aux post-doctorants. C’est l’occasion pour eux, dans une communauté assez petite, de faire des rencontres et d’essayer d’orienter leur parcours professionnel.

Dans cette conférence, nous discutons vraiment des dernières avancées scientifiques, en nous appuyant sur des thématiques précises. Par exemple, il y a la microscopie à l’interface de la physique et la biologie. Nous allons un peu mélanger les thématiques. En effet, les physiciens développent des méthodes dont ils n’entrevoient pas a priori tout le potentiel en biologie. A l’inverse, les biologistes développent des protocoles et des méthodes de traitement de données dont peuvent s’inspirer les physiciens et physiciennes en sciences de la matière. Nous nous rejoignons par exemple par notre intérêt pour les méthodes émergents basées sur l’utilisation de l’intelligence artificielle. Nous allons aussi parler des nouvelles machines. Qu’est-ce qu’on peut faire avec ces nouvelles machines ? Beaucoup de gens, comme ici au GPM, développent ou créent des instruments et viennent dans ces conférences-là pour montrer ce qui a été fait de nouveau. C’est l’occasion de dire « nous on a créé cela, nous avons mis cela en avant, maintenant faites en ce que vous voulez, nous l’ouvrons à la communauté ».

 

  • En raison de la multitude de laboratoires, les microscopes sont présents partout à l’URN. Pourquoi est-ce essentiel pour une université de ne pas en manquer et de toujours investir sur des outils de pointe ?

C’est une belle question ! On va prendre le cas inverse : imaginons que nous ne sommes pas à la pointe de la microscopie. Est-ce que cela signifie que ce que nous faisons est désuet ? Absolument pas ! Il y a beaucoup de choses qui peuvent se faire parce qu’on a un questionnement scientifique et qui ne nécessitent pas les microscopes les plus performants en termes de résolution. On peut faire de très belles choses sur des très vieilles machines, du moment que le questionnement scientifique est là et que leur résolution est en adéquation avec les capacités techniques de l’instrument utilisé. Par contre, nous en voulons toujours plus, notamment dans le développement des matériaux. Quand nous travaillons sur des nouveaux matériaux, très souvent, nous descendons rapidement à l’échelle nanométrique. Par exemple les LED qui nous éclairent et qui fonctionnent si bien, nous les étudions à l’échelle quantique, le milliardième de mètre : le nanomètre. Là, si nous n’avons pas les machines qui sont capables d’observer cela, nous nous retrouvons confrontés à certaines limites physiques qui nous empêchent de faire ne serait-ce qu’une mesure sur les matériaux que nous développons tellement ils sont petits.

On ne se rend pas compte, nous les premiers, de ce qu’on fait. Pour se rendre compte de la taille de ce que l’on regarde, il y a un calcul qui a été fait il y a quelques années et que je reprends souvent. La naissance de la microscopie électronique en transmission, c’est au début des années 30. Les machines commerciales, d’abord au Japon et en Europe, c’est la fin des années 40. Ensuite, des microscopes, il y en a eu partout. Par exemple, il y en a aujourd’hui une centaine en France. Et bien si on imagine qu’on regarde des échantillons tous les jours depuis les années 50 et qu’aujourd’hui il y a des milliers de microscopes partout dans le monde, le volume de matière qu’on a analysé est très loin du centimètre cube. C’est pour dire à quel point que ce qu’on regarde, est vraiment extrêmement petit. Avec cela, on a regardé toutes les microstructures des matériaux qui se trouvent dans les avions ou les centrales nucléaires, absolument toutes.