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Rencontre avec une enseignante-chercheuse de l'Université

Séverine Tisse, maîtresse de conférences en chimie

IUT de Rouen - Laboratoire SMS

"LENEFIN permet de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs en termes de production locale et d’éco-conception d’un produit cosmétique de luxe. L’objectif de ce travail a été de mettre en évidence les molécules d’intérêt olfactif présentes dans le lin afin de guider l’interprétation olfactive d’une fleur muette."

  • Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

J’ai été nommée Maîtresse de conférences à l’URN en 2005. Je suis donc enseignante en chimie analytique dans le département chimie de l’IUT de Rouen et chercheuse dans le laboratoire SMS (Sciences et méthodes séparatives).

À l’IUT, j’enseigne essentiellement les méthodes séparatives comme la chromatographie. Je coordonne la salle de travaux pratiques en lien avec cette discipline. J’enseigne également la chimiométrie qui est une discipline qui allie les statistiques à l’analyse chimique. Au-delà de mes activités de recherche et d’enseignement, j’ai d’autres activités au sein de l’URN. Je suis coordinatrice d’une cordée de la réussite « Ambition Chimie SUP » qui met en lien des étudiants de l’Université, des lycéens de la filière technologique SPCL (Sciences physique chimie de laboratoire) et des collégiens de troisième. Cette cordée a pour but de montrer l’attractivité du secteur de la chimie et les métiers accessibles après leurs études supérieures.

J’ai également des mandats électifs au sein de l’URN : conseil d’administration de l’URN et membre des commissions du budget et des statuts mais aussi membre du conseil d’institut de l’IUT de Rouen et présidente de la commission des finances.

Je me suis investie cette année dans le cercle de mentorat « Femmes et Sciences » qui propose aux doctorantes un mentorat afin de les soutenir et d’échanger sur leur projet professionnel.

 

  • Vous faites partie du laboratoire SMS. Sur quoi portent majoritairement vos recherches ?

Mes activités de recherche ont évolué pendant ma carrière. Elles étaient au départ à l’interface de la chimie organique et des méthodes séparatives pour le développement de phases stationnaires originales et se dirigent à présent vers la chimiométrie.

Je suis maintenant impliquée dans le développement de méthodes d’analyses innovantes pour la recherche de traces ainsi que la mise en place d’outils chimiométriques pour une meilleure compréhension des phénomènes étudiés au laboratoire. Je participe aux travaux COP HERL (Conséquences potentielles pour l’homme et l’environnement, perception et résilience) au niveau des conséquences environnementales de l’incendie industriel sur les sites de Lubrizol et Normandie Logistique ayant eu lieu en septembre 2019. J’ai été responsable scientifique du projet collaboratif Lin Ecoconception Normandie Emballage Fragrance et Innovation (LENEFIN) qui vise à développer non seulement un parfum mais aussi son packaging secondaire à base de lin normand. Ce projet soutenu financièrement par la région Normandie regroupe une maison de parfum, un industriel du lin et deux laboratoires de recherche.

 

  • Justement, pouvez-vous nous parler un peu plus de ce projet de création de parfum au lin ?

L’objectif du projet était d’identifier la signature olfactive du lin normand et d’écoconcevoir un packaging à base fibre de lin. Le projet LENEFIN (Lin, Eco-conception, Normandie, Emballage, Fragrance, Innovation) a donné naissance au parfum naturel EAU DE LIN et son packaging écoconçu. LENEFIN permet de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs en termes de production locale et d’éco-conception d’un produit cosmétique de luxe. L’objectif de ce travail a été de mettre en évidence les molécules d’intérêt olfactif présentes dans le lin (plante entière) afin de guider l’interprétation olfactive d’une fleur muette et nos partenaires du laboratoire d’UnilaSalle ont créé un emballage secondaire intégrant un co-produit de lin en respectant les principes de l’éco-conception. Ils ont dû s’adapter aux critères de qualité d’un emballage cosmétique (compatibilité, résistance, esthétique) une formulation initialement utilisée pour l’isolation des bâtiments (anas de lin) et mise en évidence de performances permettant d’envisager du réemploi.

 

  • Concrètement, quel y a été votre rôle ?

Le laboratoire SMS avait la charge de la détection et de l’identification des molécules volatiles issues de différentes parties de la plante fraîche et sèche : racines, tiges, feuilles, fleurs, anas, fibres… La chromatographie en phase gazeuse couplée à un spectromètre de masse haute résolution a permis d’identifier parmi les molécules détectées plus d’une trentaine de composés odorants dans les fleurs et les capsules de graines séchées. Les résultats sont surprenants avec notamment de fortes concentrations de molécules de Vanilline (vanille) et de Linalool (frais, floral). Le challenge était d’isoler des molécules olfactives d’intérêts contenues dans la plante pour les sublimer en parfum original et d’origine naturelle. La mise en évidence des molécules par le laboratoire SMS a permis de guider la parfumerie Damiette et la Maison Berry dans l’interprétation olfactive d’une fleur muette.

 

  • Pourquoi avoir décidé de prendre part à ce projet ? Et à l’inverse, pourquoi est-ce le laboratoire SMS et vous-même qui avez été contactés pour y participer ?

À l’occasion de mes activités d’enseignement, j’anime les projets tutorés (SAE : situations d’apprentissage et d’évaluation, réforme du BUT 2020) de chimie analytique en BUT 2 et BUT 3. Avec les collègues du service, nous avons à cœur d’ancrer ces projets dans la réalité de la future vie professionnelle des étudiants. Nous développons donc des partenariats avec des industriels pour répondre à des problématiques simples.

Parmi les projets que j’ai pu encadrer, le projet avec la Maison de Parfum Berry est le plus notable. À l’occasion d’une rencontre entre Catherine Fiol-Petit, une collègue proche aujourd’hui disparue, avec Cécile Vialla, directrice de la Maison de Parfum située à Rouen, un partenariat autour de la création d’un parfum inspiré de l’identité olfactive de la Cathédrale de Rouen a été initié. Après avoir obtenu les autorisations de l’évêché et des monuments historiques, ma collègue Catherine et Cécile ont été prélevées des échantillons de pierre et de frottis. Mon expertise en chromatographie a permis aux étudiants de caractériser la présence d’une liste de composés volatils qui a conduit à la création du parfum nommé Cathédrale par la Maison de Parfum Berry.

Le travail initié en projet tutoré a abouti sur une collaboration entre la Maison de Parfum Berry et le laboratoire SMS qui se nomme « olfactive ID » qui a pour but de capturer l’empreinte olfactive de monuments et de créer des fragrances issues de l’interprétation olfactive des molécules trouvées lors des analyses. Le projet LENEFIN a donc été la suite logique de ces différentes collaborations.