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Rencontre avec un enseignant-chercheur de l'Université

Sébastien Ponnou-Delaffon, laboratoire CIRNEF

Psychanalyste, Maître de conférences en sciences de l’éducation - laboratoire CIRNEF (Centre Interdisciplinaire de Recherche Normand en Education et Formation)

"Mon engagement dans la recherche est au cœur de ma pratique d’enseignement. Et réciproquement, mes fonctions d’enseignant et le travail de formation déployé auprès des étudiants alimente une partie de mes recherches"

  • Pouvez-vous vous présenter ? Quelle est votre thématique de recherche ?

Je suis psychanalyste et maître de conférences en sciences de l’éducation. Mes recherches portent sur les pratiques de soin, d’éducation et d’intervention sociale auprès d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes en situation de souffrance psychique, de handicap ou d’exclusion.

Je suis orienté par la psychanalyse lacanienne – sa théorie, sa clinique – et cette orientation impacte très fortement mes intérêts de recherche concernant :
– Le Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité/TDAH, l’autisme, la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, les situations de handicap et de polyhandicap, la protection de l’enfance…
– Les pratiques cliniques et psychanalytiques ;
– Les institutions de soin et d’intervention sociale ;
– La formation des professionnels des métiers de la santé et de l’éducation.

L’essentiel de mes recherches s’articule autour d’un présupposé éthique : la valeur inestimable de la parole de l’enfant, de ses parents, le principe de singularité et le travail au cas par cas… Ainsi, avec la psychanalyse, je m’intéresse à tout ce qui peut contribuer à la prise en compte de cette parole dans les pratiques de soin et d’éducation… Et réciproquement, aux facteurs susceptibles de l’entraver : biais scientifiques, biais médiatiques, conflits d’intérêts présidant au sur-diagnostic et à la sur-médication des enfants, part grandissante des enjeux technocratiques et gestionnaires au cœur des pratiques et des dispositifs de soin…

D’un point de vue méthodologique, mes travaux empruntent aussi bien à la clinique psychanalytique qu’à l’épidémiologie (analyse de bases de données de santé par exemple), en passant par les observations ethno-anthropologiques de terrain, les méthodes d’entretien ou les analyses de corpus… Bref, l’usage des méthodes est toujours fonction des objectifs de la recherche, et j’ai plaisir à travailler avec des collègues spécialistes de ces différentes approches.

 

  • En quoi consiste la recherche en sciences de l’éducation?

Les chercheurs en sciences de l’éducation se consacrent à des travaux extrêmement variés concernant les pratiques d’enseignement, de formation, d’éducation, de soin ou d’intervention sociale…

J’ai la chance de travailler au Centre Interdisciplinaire de Recherche Normand en Éducation et Formation (CIRNEF) qui est l’un des principaux laboratoires de sciences de l’éducation au niveau national. Je collabore avec des collègues qui partagent mes intérêts pour la psychanalyse, les pratiques et recherches cliniques, les questions de santé et de handicap… Mais aussi des chercheurs qui s’intéressent à des objets très différents, ou travaillent avec des approches théoriques et méthodologiques dont je suis plus éloigné… Mais c’est une chance, et une véritable richesse ! Les sciences de l’éducation et de la formation portent en elles ce germe épistémologique (travailler au confluent de plusieurs disciplines, théories, paradigmes et méthodes), et nous avons su cultiver au sein du laboratoire des modes de conversation fructueux susceptibles de favoriser la mise en débat de nos travaux, et d’éveiller notre créativité de chercheur. Nous discutons ensemble de nos choix théoriques et méthodologiques, nous co-portons de nombreux projets de recherche et de publication, nous organisons régulièrement des évènements scientifiques qui participent à la vie du laboratoire…

Au-delà de la richesse que nous pouvons trouver dans cette dynamique d’équipe, nous bénéficions d’un soutien sans faille des services d’appui à la recherche, notamment de la part des collègues de l’IRIHS (Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme Société) et de la DRV (Direction de la Recherche et de la Valorisation) de l’université de Rouen Normandie. Leur présence est un véritable atout dans le montage et la mise en œuvre de projets de recherche d’envergure régionale, nationale et internationale.

 

  • Quelle est l’articulation entre vos enseignements et la recherche ?

Je réalise presque l’intégralité de mes enseignements au sein du Département Carrières Sociales de l’IUT d’Évreux, qui forme des étudiants aux métiers du travail social et de l’éducation spécialisée. Autrement dit, mon engagement dans la recherche est au cœur de ma pratique d’enseignement. Et réciproquement, mes fonctions d’enseignant et le travail de formation déployé auprès des étudiants alimente une partie de mes recherches – par exemple sur la formation des travailleurs sociaux, ou encore les réformes et l’universitarisation des métiers de l’intervention sociale.

Nous avons la chance de travailler dans des conditions pédagogiques privilégiées : des étudiants motivés, des effectifs raisonnables, une équipe soudée composée d’enseignants et de chercheurs de spécialités et d’horizons pluriels (sociologie, psychologie, sciences médicosociales, sciences de l’éducation), mais qui entretiennent entre eux un dialogue constructif et un esprit d’équipe au profit des étudiants et des dynamiques d’enseignement… Des collègues et des services d’appui à la formation très disponibles, une direction à l’écoute et des liens toujours plus étroits avec les institutions et les associations du territoire. Bref, des conditions de réussite pour nos étudiants, avec une attractivité du Département au niveau national, et des promotions toujours en tête des classements régionaux.

 

  • Comment s’intègrent vos travaux de recherche sur le territoire normand ?

Mes travaux disposent d’un ancrage local fort, par le biais de l’articulation entre la recherche et l’enseignement, et l’implication de nos étudiants/futurs professionnels sur le territoire normand/ébroïcien.

Je développe également un certain nombre de projets en partenariat avec des institutions médicosociales de la région. Ces institutions accueillent des enfants, des adolescents ou des adultes en situation de souffrance psychique, de handicap ou d’exclusion sociale. Nous travaillons ensemble à l’élaboration de dispositifs cliniques à même de soutenir l’étude et l’intérêt de la psychanalyse dans les pratique de soin, d’éducation et d’intervention sociale.

Mes travaux ont également une portée nationale et internationale importante avec :
– Des publications régulières d’articles et d’ouvrages dans les pays anglo-saxons ou sud-américains.
– La constitution de réseaux de recherche sur les pratiques psychanalytiques en France et au niveau international (Brésil, Argentine, Espagne).
– Des travaux développés en lien avec des associations médicosociales dans plusieurs régions françaises.
– Des collaborations régulières avec des écoles, des associations ou des institutions de soin orientées par la psychanalyse ou les pratiques cliniques en France et à l’étranger.

L’articulation de ces différents niveaux d’implication donne une coloration à la recherche, et un sens particulier aux rencontres et aux partenariats que nous pouvons tisser ici et ailleurs.

 

  • Comment pourriez-vous encourager un étudiant qui souhaite poursuivre ses études dans les domaines de la recherche ?

La recherche est essentiellement un travail de création. Elle ne porte pas sur les savoirs constitués, mais sur ceux qu’il reste à inventer. Bien sûr nous nous situons dans le domaine de la science et de ses exigences, mais il me semble intéressant de soutenir l’idée qu’il n’y a pas de science sans chercheur, et que tout progrès scientifique implique un certain travail de composition.

Le chercheur compose avec les savoirs, les théories et les méthodes à la manière dont le poète joue avec les mots, le peintre avec les couleurs, les formes et les textures, le musicien avec les notes, les rythmes ou les silences. Donc mon premier encouragement à l’attention d’un étudiant prendrait la forme d’une invitation à la créativité !

Par ailleurs, la recherche implique une dimension politique forte qui touche à l’histoire ou au contexte de l’objet de recherche, mais aussi aux potentiels effets politiques et sociaux des résultats produits. Ainsi, la recherche s’inscrit nécessairement dans un projet citoyen – et cette perspective me semble particulièrement stimulante pour les étudiants qui souhaiteraient s’engager dans le domaine de la recherche.

Enfin, la subjectivité du chercheur est sans cesse interpelée quant au choix de ses objets, des concepts ou des méthodes qu’il utilise dans la réalisation de ses projets. Cette part de subjectivité est inhérente à tout travail de recherche : aussi c’est une invitation faite aux étudiants à tenir compte de leur désir de savoir et de leur désir de recherche !
Ces trois dimensions – la créativité, la politique et la subjectivité – font de la recherche une activité passionnante, au cœur des défis humains et sociaux de notre temps.