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Rencontre avec une enseignante-chercheuse de l'Université

Muriel Bardor, laboratoire Glyco-MEV

Professeure de biochimie, enseignante-chercheuse au laboratoire Glyco-MEV

« Avec nos recherches, nous souhaitons proposer des alternatives permettant de diminuer les coûts des biomédicaments tout en gardant une qualité et une sécurité sanitaire accrues. »

L’université de Rouen Normandie a travaillé avec des étudiantes du master Ingénierie de la Santé, Analyses et Qualité en Bio-Industries, dans le cadre de la gestion de projet, pour valoriser les activités de recherche de trois laboratoires, et les personnes qui les font vivre : ECODIV, Glyco-MEV, CETAPS.

Professeure de biochimie à l’université de Rouen Normandie, Muriel Bardor est passionnée par la glycobiologie. Elle exerce cette passion au sein du laboratoire Glyco-MEV dont elle est la directrice adjointe depuis 2018.

Destinée initialement à la recherche médicale sur les maladies génétiques, Muriel Bardor a tenté le concours PACES qu’elle n’a pas obtenu. Grâce à une équivalence, elle rejoint directement la 2e année de licence de biologie à l’Université de Rouen, qu’elle complète par un master en biochimie, biologie moléculaire et cellulaire. C’est un stage en biochimie sur l’analyse structurale des sucres qui suscite son attrait pour la glycobiologie (science qui étudie la structure et fonction des sucres). À l’issue d’une thèse européenne sur la glycosylation chez les végétaux, elle a fait un post-doctorat aux États-Unis, à l’Université de Californie à San Diego, pour travailler sur des sucres humains particuliers que sont les acides sialiques.

Enrichie professionnellement et humainement, Muriel Bardor devient en 2003 Maître de conférences à l’Université de Rouen. Elle s’aventure de 2010 à 2012 à Singapour dans un institut de recherche dédié à la production de biomédicaments dans des cellules de mammifères. À son retour en 2012 au laboratoire Glyco-MEV, elle focalise ses travaux de recherche sur la production à partir de microalgues de biomédicaments comme des anticorps destinés à la thérapie humaine.

« J’ai été la première femme biologiste de l’Université de Rouen Normandie à obtenir le label IUF »

En 2014, Muriel Bardor devient membre de l’Institut Universitaire de France (IUF), dont l’objectif est de favoriser le développement de la recherche de haut niveau dans les universités et de renforcer l’interdisciplinarité. Cette délégation auprès de l’IUF lui permet d’être déchargée d’une partie de ses enseignements et d’obtenir un budget de 5 ans pour mener à bien son projet de recherche.

Forte de cette reconnaissance qui lui permet de se concentrer sur ses recherches, elle devient en 2015 professeure des Universités et accepte la mission de directrice adjointe du laboratoire Glyco-MEV en 2018 aux côtés du Pr J-C. Mollet.

« Notre thématique de recherche est finalement très appliquée… »

La thématique de recherche développée par Muriel Bardor et ses collègues vise à comprendre les mécanismes de synthèse des glycoprotéines chez deux microalgues, afin d’être capable d’optimiser à terme la production de biomédicaments à partir de ces microalgues. Leurs recherches ont déjà bien évolué puisque l’une des deux microalgues est capable de produire un anticorps humain de qualité, fonctionnel et dirigé contre le virus de l’hépatite B. Ces découvertes ont été brevetées et sont à l’initiative d’un projet de création de start-up qui permettra à l’avenir de faciliter le transfert de cette technologie aux industriels pharmaceutiques. Ce projet de création d’entreprise est actuellement soutenu financièrement par Normandie Valorisation et par la Région Normandie. Le laboratoire Glyco-MEV a proposé au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) en 2020 de continuer ces recherches pour les cinq prochaines années parmi les projets du laboratoire.

Cette thématique est développée grâce à de nombreuses collaborations à l’échelle européenne et internationale. Muriel Bardor est partenaire du projet européen H2020 « Pharma Factory » regroupant une quinzaine de partenaires européens de 7 pays différents dont 5 industriels. Son objectif est de démontrer que les plantes et les microalgues peuvent être de bonnes alternatives industrielles pour produire des biomédicaments. Elle collabore également avec Samabriva (entreprise française) ; Medicago (entreprise canadienne) et avec Agilent Technologie (entreprise américaine) pour développer de nouvelles technologies plus sensibles et plus spécifiques pour caractériser les biomédicaments.

Muriel Bardor s’inscrit également dans divers réseaux de recherche au niveau régional, national et international : l’International Society for Plant Molecular Farming (ISPMF) en lien avec le projet Pharma Factory, des réseaux internationaux sur les algues ainsi que des réseaux nationaux en glycobiologie puisqu’elle est membre depuis plusieurs années du Groupe Français des Glycosciences (GFG). Elle fait aussi partie du réseau POLEPHARMA, de la Société Française de Biochimie et de Biologie Moléculaire (SFBBM) et a rejoint cette année un Groupement De Recherche (GDR), monté par le CNRS autour de la chemobiologie. Elle est aussi membre de la Structure Fédérative de recherche SFR Normandie Végétal regroupant les acteurs normands académiques et industriels travaillant dans les sciences végétales et actrice du CARNOT I2C –Innovation Chimie Carnot- qui ambitionne de développer des collaborations de recherche avec les industriels.

  • Vos recherches ont elles un impact sur la société ?

« Oui car nos recherches visent à diminuer le coût de production des biomédicaments. Actuellement ces coûts de production sont énormes et se répercutent sur le prix de vente. Certains anticorps recombinants, utilisés dans des traitements pour soigner des cancers ou des maladies auto-immunes, coûtent entre 5 000 et 40 000€ par mois. Même si ces frais sont pris en charge par le système de protection sociale et les mutuelles, les conséquences sur notre société sont importantes. Par conséquent, beaucoup de personnes, notamment dans les pays en voie de développement, n’ont pas accès à ces traitements. Avec nos recherches, nous souhaitons proposer des alternatives permettant de diminuer ces coûts tout en gardant une qualité et une sécurité sanitaire accrues. »

  • À partir de quel moment allez-vous considérer votre carrière comme accomplie ?

« J’estime avoir réussi et accompli beaucoup de choses avec l’obtention du label IUF et le passage de Maître de conférences à Professeure 1ère classe. Sur l’aspect formation, je pense faire du mieux que je peux pour donner les meilleurs atouts à nos étudiants afin de faciliter leur entrée dans le monde du travail. Tous les doctorants que j’ai formés se sont très facilement insérés dans le milieu professionnel. Néanmoins, la réussite du transfert à l’échelle industrielle de l’utilisation des microalgues comme système de production de biomédicaments serait pour moi un vrai aboutissement. Cela passera par la concrétisation et réussite de ce projet de création d’entreprise qui positionnera la France et la Normandie en tant que leader dans le domaine et sera créateur d’emploi. Une fois que j’aurai passé cette étape, j’aurai peut-être l’impression qu’effectivement j’ai vraiment servi la société en améliorant l’accès aux soins et que ma carrière est accomplie. »

  • Quels conseils/arguments pourriez-vous apporter aux lycéens intéressés par la recherche ?

« Je leur conseille d’aller droit au but : s’inscrire directement en fac de biologie ! En effet, il faut arrêter de croire qu’il faut absolument passer par médecine pour faire de la recherche, c’est une aberration complète mais malheureusement certains conseillers d’orientation le disent encore. Je leur dis toujours que s’ils ont envie et qu’ils se sentent une appétence pour la recherche alors tentez l’aventure ! Certes, il y a peu de postes, c’est très compétitif mais c’est un métier passionnant qui laisse une liberté d’action, de pensée et d’organisation dans son temps de travail. Grâce aux nombreuses collaborations à l’échelle internationale, c’est aussi très riche d’un point de vue culturel. Faire une thèse, ce n’est pas que pour faire de la recherche. Cela permet d’apprendre à gérer un projet, à interagir, communiquer, à avoir l’esprit ouvert, à se positionner sur des problématiques ce qui peut aussi servir dans des postes dans l’industrie. Il y a donc vraiment plein d’avantages à se donner les moyens de réussir, quoi qu’il arrive les nombreuses compétences acquises permettront toujours de rebondir. »