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Rencontre avec deux enseignantes-chercheuses de l'Université

Corinne Bouillot et Karine Winkelvoss, laboratoire ERIAC

Enseignantes-chercheuses à l'ERIAC (Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur les Aires Culturelles), Maîtresses de conférences en études germaniques au département d’allemand de l’UFR Lettres et Sciences humaines

"Nous souhaitons participer à la formation de futurs citoyens prêts à s’engager dans la lutte contre les discriminations – une formation qu’il est essentiel de poursuivre aussi à l’Université."

Engagées dans la transmission de la mémoire des victimes du nazisme, Corinne Bouillot et Karine Winkelvoss ont répondu à nos questions dans le cadre du projet qu’elles ont porté : les Pavés de mémoire.

  • Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre thématique de recherche ?

Nous sommes toutes deux enseignantes-chercheuses à l’UFR Lettres et Sciences humaines, Maîtresses de conférences en études germaniques au département d’allemand et membres de l’Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur les Aires Culturelles (ERIAC), dont Karine Winkelvoss (MDC HDR) est aussi codirectrice. Corinne Bouillot est par ailleurs présidente de l’association Pavés de Mémoire Rouen Métropole. Nous consacrons une partie de nos travaux et de nos réflexions à la question des mémoires et des représentations de la Seconde Guerre mondiale, du nazisme et de la Shoah, pour l’une en histoire et civilisation allemandes et pour l’autre en littérature et arts de l’espace germanophone.

 

  • En quoi consiste la recherche à l’ERIAC ?

L’ERIAC est une équipe de recherche interdisciplinaire qui réunit des linguistes, des philosophes, des spécialistes de langues et littératures anciennes, de géographie culturelle, de littérature et de civilisation germanophones, anglophones, italiennes, lusophones et hispaniques. Nous y sommes actuellement soixante-dix enseignants-chercheurs, une vingtaine de chercheurs associés et une cinquantaine de doctorants et post-doctorants. L’ERIAC est structurée non par aires culturelles, mais par problématiques, notamment dans les deux axes dont nous relevons : « Espaces, cultures, politiques », qui regroupe en majorité les civilisationnistes, et « Formes, expériences, interprétations », où se retrouvent surtout les littéraires. L’ERIAC est particulièrement attachée à ouvrir les frontières non seulement entre les disciplines, mais aussi entre le monde académique et la Cité. Notre projet s’inscrit dans cette démarche d’articuler la production de connaissance, l’interaction avec l’environnement et la dimension citoyenne dans une perspective à la fois régionale et internationale.

 

  • Pouvez-vous présenter le projet « Pavés de Mémoire » ?

Ce projet consiste à faire poser des Stolpersteine (des « pierres sur lesquelles on trébuche », symboliquement) de l’artiste allemand Gunter Demnig, dédiées à la mémoire de victimes individuelles du nazisme. Il s’agit de petits pavés recouverts d’une plaque de laiton sur laquelle sont gravés le nom et le sort des victimes. Scellés dans les trottoirs devant le dernier domicile des victimes, ces Pavés de Mémoire sont posés en Allemagne, dans de nombreux autres pays européens et plus récemment en France. L’initiative telle qu’elle est déclinée dans l’agglomération rouennaise a pour objet d’honorer la mémoire de familles avec des enfants mineurs assassinées au cours de la Shoah, d’impulser ou de valoriser des recherches sur les victimes et de promouvoir des projets pédagogiques autour des poses envisagées, dans une perspective citoyenne de transmission de la mémoire.

La première phase a été réalisée au début de l’automne 2020 avec la pose de 39 Stolpersteine à Rouen et à Sotteville-lès-Rouen, et le projet est appelé à se poursuivre dans les années qui viennent. 

 

  • Comment le projet « Pavés de Mémoire » s’est-il inscrit dans vos missions d’enseignement et de recherche ?

Travailler sur ce projet nous permet, dans nos missions d’enseignement, de faire le lien entre nos cours à destination des étudiant.e.s de la licence allemand-anglais, sensibilisés à l’œuvre de l’artiste et à la problématique plus générale de la mémoire du nazisme, et les projets que nous impulsons dans de nombreux établissements scolaires de l’agglomération rouennaise autour de la mémoire locale de la Shoah. En coordonnant les projets pédagogiques que mènent nos collègues du secondaire avec leurs classes, nous souhaitons participer à la formation de futurs citoyens prêts à s’engager dans la lutte contre les discriminations – une formation qu’il est essentiel de poursuivre aussi à l’Université. Dans le cadre de nos activités de recherche, nous avons réalisé des panneaux de présentation du projet et de son volet historique qui ont été exposés à l’UFR Lettres et Sciences humaines, et nous poursuivons les recherches biographiques sur les victimes (https://eriac.hypotheses.org/author/corinnebouillot). Nous préparons également une journée d’étude et/ou une publication qui inscriront la thématique des Stolpersteine dans le contexte plus large de la transmission de la mémoire en France et en Allemagne. Notre collègue Max Kroneck, lecteur du DAAD, a réalisé avec des étudiant.e.s de notre département des cartes interactives présentant les Pavés de Mémoire et les victimes qu’ils honorent.

 

  • Comment ce projet crée-t-il le lien entre l’université de Rouen Normandie et le territoire normand ?

Ce projet est, par essence, ancré dans le territoire normand, puisqu’il est dédié à la mémoire locale des persécutions de la Seconde Guerre mondiale et qu’il inscrit cette mémoire au cœur même de l’espace public de la Métropole Rouen Normandie. Celle-ci est le premier partenaire de notre initiative, aux côtés des villes de Rouen et de Sotteville-lès-Rouen. Le projet est porté par l’association Pavés de Mémoire Rouen Métropole, à la création de laquelle nous avons toutes deux participé, en lien avec la société civile. Les partenaires territoriaux ont soutenu d’emblée notre initiative, de même que l’ERIAC de l’université de Rouen Normandie pour son volet scientifique.

D’autres communes de la Métropole Rouen Normandie sont susceptibles de rejoindre notre projet dans les années à venir, en acceptant et en promouvant la pose de nouvelles Stolpersteine sur leur territoire.