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Rencontre avec une enseignante-chercheuse de l'Université

Agnès Liard-Zmuda, professeur des universités – praticienne hospitalière

UFR Santé - Cheffe du service de chirurgie pédiatrique au CHU de Rouen

« Les étudiants ont parfois trop tendance à réviser dans les livres, alors que nous passons notre temps à leur dire que le mieux, c'est d'aller en stage, de voir des patients, d'assister à des consultations, d'être au lit du malade. Mais avec les ECOS, nous espérons que cela va évoluer. »

Publié le 14 mai 2025

  • Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

Je m’appelle Agnès Liard-Zmuda et je suis chirurgien-pédiatre, cheffe du service de chirurgie pédiatrique au CHU de Rouen Normandie. Je aussi professeur des universités et vice-doyenne à la pédagogie en médecine à l’UFR Santé de l’université de Rouen Normandie.

 

  • Vous avez de multiples casquettes, parlez-nous d’abord de votre rôle de praticienne hospitalière et cheffe du service de pédiatrie ?

Je suis donc chirurgien-pédiatre et je fais essentiellement de l’urologie et de l’oncologie pédiatrique, notamment abdominale. Je passe beaucoup de temps dans la semaine à consulter et à opérer, c’est mon activité de base. Au CHU, j’ai aussi en charge la chefferie de service afin de gérer toute l’organisation de celui-ci : les internes, les externes, les collègues, les cadres, les secrétaires.

 

  • Vous êtes également membre de l’unité de recherche AIMS. Avez-vous le temps de faire de la recherche ?

Honnêtement, je n’ai pas le temps de faire beaucoup de recherche, je fais plus de la coordination puisque je suis co-directrice de deux thèses. La première est celle d’Alexis Lubet qui est chirurgien-pédiatre et fait des modèles pédagogiques imprimés en 3D pour les chirurgiens en formation. La deuxième est celle de Romain Jacq qui va travailler sur des modèles pédagogiques pour les dentistes.  Je fais tout de même quelques publications sur des activités purement cliniques, mais je ne suis pas dans un laboratoire à manipuler des éprouvettes.

 

  • Vous êtes également professeure des universités à l’UFR Santé. Quels cours donnez-vous ?

Je donne très peu de cours sur la chirurgie pédiatrique car c’est une discipline relativement petite au niveau de la formation des étudiants en médecine. Il y a trois cours au total, pour les étudiants de cinquième année. Par contre, je passe beaucoup de temps sur la coordination de tout l’enseignement des étudiants en médecine de la deuxième année à la sixième année. La première année est tellement particulière qu’elle est sortie de mes attributions. Je m’occupe d’organiser les programmes et les emplois du temps, de gérer toutes les modifications liées aux multiples réformes de ces dernières années. Il faut également s’adapter à l’augmentation du nombre des étudiants. Car contrairement à ce qu’on peut lire, le nombre d’étudiants en médecine est en constante augmentation. Depuis les années 90, le nombre d’étudiants en médecine à l’URN a triplé.

 

  • Les ECOS nationaux, les examens cliniques objectifs structurés, auront lieu les 20 et 21 mai 2025 dans toute la France. À l’URN c’est vous qui en avez la responsabilité. Que pouvez-vous nous en dire ?

C’est un examen qui est fait pour évaluer les compétences des étudiants, et non pas les connaissances comme c’est le cas lors des EDN (Épreuves dématérialisées nationales) qui ont eu lieu au mois d’octobre. Ces épreuves concluent le deuxième cycle des études de médecine, à la fin de la 6e année, avant l’internat. Les EDN comptent pour 60% de la note, les ECOS pour 30% et les 10% restants, c’est ce qu’on appelle les points de parcours et qui favorisent le bénévolat, les certificats de langue, les UE de recherche ou les autres diplômes. Avec les ECOS, on va évaluer les compétences des étudiants, leur savoir-faire, leur savoir-être auprès des malades.

Pour cela, nous avons besoin de dix stations, des mini-situations cliniques où ils vont interagir avec un patient simulé, dans l’idéal, ou avec un mannequin. Les étudiants vont passer sur les mêmes dix stations, dans toute la France en même temps. Cela dure deux jours et les étudiants font cinq stations un jour, cinq stations le jour suivant. L’année dernière, au niveau des stations, il y avait par exemple une station de troubles du rythme avec arrêt cardiaque sur un mannequin. Il fallait que les étudiants analysent la situation puis fassent un massage cardiaque. Il y avait également une station avec un mannequin pour faire un toucher rectal afin d’évaluer la prostate. Il peut aussi y avoir une station suture. À chaque fois, on évalue leur geste, leur façon de faire, et après, ce qu’ils en déduisent. Avec les patients simulés, il y avait par exemple un entretien pour l’éducation du patient après un infarctus.

Les ECOS, permettent de diversifier l’évaluation. Le classement des étudiants ne repose plus uniquement sur des connaissances mais aussi sur leur compétences cliniques. Par contre, c’est extrêmement lourd et conséquent à organiser.

 

  • Concrètement, en quoi consiste cette organisation ?

À Rouen, nous avons la chance d’être une ville qui, historiquement, organise des ECOS locaux depuis très longtemps. Par conséquent, nous avions déjà une bonne base sur l’organisation pratique. Cela fait plus de 20 ans qu’il y en a ici.

Pour les ECOS nationaux, nous nous préparons au moins six mois à l’avance. Il y a plusieurs axes dans l’organisation : le côté pratique avec les locaux, la recherche d’évaluateurs, la réservation des hôtels pour les enseignants qui viennent de Caen, les repas pour toutes les personnes investies. Et puis il y a également toute la partie préparation des patients simulés qui prend énormément de temps et qui est un enjeu majeur. Il faut les recruter, il faut les former. Puis, une fois qu’ils sont formés, ils sont sélectionnés selon leurs profils pour les stations des ECOS nationaux, il faut leur apprendre leur scénario et veiller à ce qu’ils le jouent correctement pour que ce soit le plus homogène possible dans toute la France. Il y a des visioconférences nationales pour mettre au point les choses une fois que les scénarios sont écrits.

 

  • Avec un an de recul, est-ce qu’on se rend compte de l’importance de ces ECOS ?

Il y a des variations dans le classement qui vont jusqu’à 2500 places. C’est quelque chose que l’on constate surtout chez les étudiants qui sont en milieu de classement. Tout en haut ou tout en bas, globalement, cela ne change pas. Mais ceux qui sont vraiment au milieu de la courbe, ils peuvent gagner ou perdre jusqu’à 2500 places. C’est énorme, car à l’échelle nationale, il y a cette année un peu plus de 10 000 étudiants concernés. Quelqu’un qui, après l’écrit, est 4500e et qui, grâce aux ECOS, se retrouve 2000e, cela change tout dans son choix de spécialité.

D’ailleurs, les étudiants cela les stresse beaucoup. Ils ont parfois trop tendance à réviser dans les livres, alors que nous passons notre temps à leur dire que le mieux, c’est d’aller en stage, de voir des patients, d’assister à des consultations, d’être au lit du malade. Mais avec les ECOS, nous espérons que cela va évoluer.  Mais il faut que l’habitude se prenne.

 

  • PU, PH, responsable de service, chercheuse, rôle administratif, directrice de thèse, vice-doyenne, responsable des ECOS… comment réussissez-vous à tout concilier ?

Dans la continuité de la partie formation, je travaille depuis 9 ans avec l’association humanitaire la Chaîne de l’espoir pour la formation des chirurgiens pédiatres d’Afrique de l’Ouest. Je vais à Dakar pour former les gens sur place pour qu’ils soient autonomes et aussi pour opérer. J’avoue que cela me fait des horaires assez larges. Mais j’aime mon métier de chirurgien et j’aime mon métier à l’Université. J’ai vraiment l’impression que tout le monde travaille ensemble, dans le même but, et c’est très agréable.