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Rencontre avec un enseignant-chercheur de l'Université

Eric Daudé, laboratoire IDEES

Enseignant-chercheur au laboratoire IDEES, UFR Lettres et Sciences Humaines

"Les objectifs que nous nous sommes fixés sont de rendre compréhensibles les mécanismes fondamentaux qui sont à l’origine d’une épidémie et de mettre en évidence la complexité de sa gestion"

Cet entretien a été réalisé dans le cadre de la mise en ligne d’une actualité sur le Covid-19.

  • Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la genèse du projet « CovPréhension » et comment une partie des membres des laboratoires IDEES et LITIS ont rejoint ce collectif ?

Un article paru dans The Washington Post (https://www.washingtonpost.com/graphics/2020/world/corona-simulator/ ) qui utilisait des simulations pour faire de la pédagogie sur la propagation du virus nous a particulièrement intéressé. Familier de ces méthodes de modélisation et ayant travaillé sur les risques épidémiques, les chercheurs de l’UMR IDEES et du réseau MAPS (https://maps.hypotheses.org/) ont commencé à échanger par mail sur un projet de vulgarisation scientifique qui utiliserait la modélisation : une question / un modèle. C’est ensuite allé très vite, de mails en mails, le réseau c’est agrandi pour intégrer la plupart des ingénieurs et chercheurs qui ont gravité ces dix dernières années autour des questions de modélisation et de simulation multi-agent et spatialisés, avec un noyau dur ayant spécifiquement travaillé sur les épidémies.

 

Les motivations initiales étaient de se rendre utile en temps de crise, dans un contexte où nous n’avions pas la taille critique au sein de nos Laboratoires respectifs pour produire une connaissance directement utilisable en gestion de crise. Nous ne pouvions pas nous lancer dans un projet pour faire de la prospective par exemple, car on le voit bien les équipes capables aujourd’hui de produire des scénarios prospectifs (INSERM, AP-HP) s’appuient sur des modèles de simulation et des données pour la calibration qui ne sont malheureusement pas à notre portée.

L’union fait la force, et la fédération quasiment auto organisée de ce collectif autour d’une question de pédagogie nous a permis de répondre à cette motivation initiale. Les objectifs que nous nous sommes fixés sont de rendre compréhensibles les mécanismes fondamentaux qui sont à l’origine d’une épidémie et de mettre en évidence la complexité de sa gestion malgré l’apparente simplicité de ces mécanismes lorsqu’on les prend un à un. Et pour cela, l’approche par la modélisation et la simulation multi-agent est intéressante car elle donne à voir la dynamique de l’épidémie tout en véhiculant des messages sur les mécanismes élémentaires à l’origine de cette dynamique. Elle permet également de s’interroger, au-delà des mécanismes, sur les paramètres importants dans le risque épidémique.

 

  • Une multitude d’informations circulent sur la pandémie, comment les informations disponibles sur ce site se distinguent-elles de celles proposées par les autres médias ?

Les médias se concentrent sur des informations factuelles, qui évoluent de jour en jour et dont l’élément essentiel est la donnée : nombre de malades, de décès en 24 heures, facteurs de risques pour les plus de 65 ans etc. Peu sont orientés sur la pédagogie ou l’acquisition de connaissance autres que factuelles. Nous ne donnons aucune information sur l’évolution quantitative de la maladie, de nombreux sites le font très bien.

Nous essayons à partir de questions parfois très précises qui nous sont posées, du genre « faut-il privilégier une distance de 2 mètres ou de 3 mètres entre les personnes pour éviter un risque de contamination », de reformuler la question et de montrer qu’au-delà ou qu’en plus de la distance physique le nombre de contacts différents et le temps passé lors de ces contacts sont des éléments qui sont également importants dans la notion de risque.

 

  • D’autres évolutions ou projets en lien avec CovPréhension sont-ils envisagés ?

Plusieurs pistes sont évoquées, un ouvrage, un MOOC. L’enjeu dans l’immédiat c’est la poursuite du site qui a connu une extraordinaire activité durant la période de confinement. Nous sommes tous ingénieurs et chercheurs déjà impliqués dans de nombreux projets qui ont pris du retard avec le confinement, retard qui devra être comblé. De plus si les questions initialement posées demandaient des temps de traitements relativement court, les questions deviennent maintenant à la fois plus complexes et nécessitent des modèles un peu moins simples, donc les durées de traitement des questions s’allongent. Nous devons réfléchir à un moyen alternatif pour traiter les questions par la modélisation, peut-être en renvoyant un peu plus systématiquement vers les travaux d’autres équipes, si on en trouve l’équivalent, comme http://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/coronavirus-sur-le-front-scientifique.

 

  • Laboratoire pluridisciplinaire dans le domaine des sciences humaines et sociales, pouvez-vous nous présenter le laboratoire IDEES, son activité et ses projets en cours ?

L’UMR IDEES est une équipe CNRS multisite (universités de Caen, Le Havre et, Rouen) et pluridisciplinaire, majoritairement composée de géographes. Ses recherches portent sur des thématiques phares telles que la modélisation et la simulation spatiale, les mobilités et le transport, la santé et les risques, les TIC, les métropoles et les recompositions territoriales, la géoarchéologie.

 

Ils ont également participé au projet CoVprehension :

  • Hélène Arduin, Post-doctorante CNRS à l’UMR IDEES
  • Arnaud Banos, Directeur de recherche CNRS à l’UMR IDEES
  • Alexandre Cebeillac, Post-doctorant à l’UMR IDEES
  • Armelle Couillet, Ingénieure d’études CNRS à l’UMR IDEES.
  • Emmanuel Eliot, Professeur des Universités, membre de l’UMR IDEES
  • Sébastien Rey-Coyrehourq, Ingénieur de Recherche BAP E à l’UMR IDEES
  • Pierrick Tranouez, Informaticien, Ingénieur de Recherche au laboratoire LITIS de la fédération CNRS NormaSTIC