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Rencontre avec une enseignante-chercheuse de l'Université

Françoise Baillot, ambassadrice nationale du doctorat

Professeure des universités en physique

« Le doctorat se doit d’être reconnu dans toute sa diversité et sa richesse, véritable articulation entre le réflexif, l’innovation et la réalisation de solutions pertinentes, capable d’apporter des réponses aux enjeux du monde académique comme celui de l’entreprise. »

Publié le 5 novembre 2025

  • Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

Je m’appelle Françoise Baillot et je suis professeure des universités. J’enseigne à l’UFR Sciences et techniques de l’université de Rouen Normandie et effectue ma recherche au sein du laboratoire CORIA, unité mixte de recherche CNRS. En 2023, j’ai été promue chevalier de l’Ordre National du Mérite au titre de l’enseignement Supérieur et de la Recherche.

Mes activités actuelles se répartissent en enseignements de la licence 2 jusqu’au Master 2 dans les disciplines de la mécanique, combustion et acoustique. Je travaille également à l’encadrement de stagiaires mais surtout de doctorants. Par ailleurs, j’assure des actions en administration de la recherche et de l’enseignement. En particulier, j’ai dirigé l’UFR Sciences et Techniques de 2013 à 2023, accompagnée à la direction par une équipe de collègues enthousiastes et par des services compétents. Ainsi j’ai pu mener cette mission dont l’humain est au centre grâce à cet investissement collectif au service de notre communauté universitaire. Actuellement j’anime le Département Ecoulements Réactifs du CORIA.

Je suis aussi élue dans différents conseils de l’Université : le conseil académique (CAc), la commission recherche, le conseil de gestion de l’UFR Sciences et techniques. Et je suis membre de la section disciplinaire pour le personnel.

Enfin, mes recherches actuelles, expérimentales et théoriques, sont dans le domaine des instabilités de combustion menées dans des configurations complexes, notamment utilisant des combustibles liquides multicomposants en présence de champs acoustiques, dits transverses, de forts niveaux d’intensité. Les applications concernent l’aéronautique comme le spatial.

Depuis quelques semaines, j’ai été nommée ambassadrice nationale du doctorat par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

 

  • Parlez-nous de votre parcours pour arriver jusque-là ?

Après des classes préparatoires, j’ai intégré une école de l’Institut National Polytechnique de Grenoble où j’ai obtenu la même année un diplôme d’ingénieur et un diplôme de DEA en mécanique des fluides.

J’ai ensuite commencé une thèse. Mes travaux doctoraux qui comprenaient un volet expérimental et un volet théorique, concernaient aussi le domaine des instabilités de combustion. Ils portaient sur la mise en évidence de mécanismes induits par une onde acoustique perturbant la dynamique d’une flamme issue d’un prémélange gazeux. Par la suite, ce travail a été valorisé dans de nombreuses études menées par d’autres laboratoires.

Depuis toujours dirais-je, j’ai eu une grande appétence pour la recherche : essayer de comprendre ce que l’on ne sait pas, construire des chemins pour produire des solutions en accord avec l’observation. Aimant particulièrement la mécanique des fluides, j’ai retenu la proposition d’un sujet nouveau à l’époque, alliant combustion et acoustique, faite par l’équipe de Roger Prud’homme qui travaillait sur les écoulements réactifs.

Après mon doctorat, j’ai intégré l’université Pierre et Marie Curie comme maîtresse de conférences, puis en 1998 l’université de Rouen Normandie comme professeure des universités.

 

  • Vous évoquiez l’encadrement de doctorants. Pouvez-vous approfondir et nous dire en quoi cela consiste exactement ?

Je conçois mon encadrement comme devant répondre à plusieurs exigences et objectifs. Tout d’abord, l’encadrement doit être en mesure d’assurer au doctorant des conditions de travail optimales. Dans ce cadre, il est essentiel de lui apporter les moyens techniques permettant de concevoir et développer des expériences originales et de pointe. Ainsi, diriger une thèse expérimentale nécessite de monter des projets, de porter des propositions pour obtenir les financements, y compris l’allocation du doctorant, le laboratoire et l’Université venant en appui de ces démarches, mais aussi du quotidien.

Au démarrage de la thèse dont le sujet a été proposé initialement au candidat accueilli au sein de l’équipe de recherche, il est important de préciser les axes sur lesquels l’étude va s’engager.  Le directeur de thèse doit transmettre des clés en termes de savoirs et de savoir-faire qui vont permettre au doctorant de développer sa pensée scientifique critique et ses capacités organisationnelles, car le temps est limité. Ainsi les échanges scientifiques, largement ouverts, vont permettre de cibler les problématiques essentielles, les démarches et les protocoles expérimentaux et de modélisation à sélectionner et à mettre en oeuvre, les informations à rechercher et les grandeurs à extraire de signaux comme de calculs.

Le temps accordé à la bibliographie est aussi crucial pour situer la recherche entreprise, s’appuyer sur les acquis de la communauté et créer une dynamique nouvelle promotrice d’apports originaux. Là aussi, la discussion scientifique avec le doctorant est essentielle.

Enfin, encadrer le doctorant, c’est lui donner la possibilité de s’exprimer, d’apporter des idées, de proposer des démarches et de nouveaux concepts de réaliser et produire des résultats avec en objectif ultime la vérification des hypothèses émises.

 

  • Vous venez d’être nommée ambassadrice du doctorat par le Ministère. Qu’est-ce qui vous a motivée à accepter cette mission ?

La dynamique socio-économique d’un pays a besoin de jeunes ayant acquis des savoirs, des savoir-être et des savoir-faire de haut niveau. Or la formation doctorale durant laquelle le doctorant est à même de se construire une démarche scientifique et éthique s’appuyant sur des compétences techniques et organisationnelles, constitue un socle solide pour son futur métier, quel qu’il soit.

Ainsi, être ambassadrice du doctorat m’est apparu comme une opportunité de valoriser auprès des jeunes et du monde socio-économique les potentialités de ce temps singulier et universel dans ses apports. Il est primordial de montrer la richesse des compétences acquises par le docteur qui lui permettent de s’adapter à la large palette des univers socio-économiques.

En cohérence avec mon engagement dans « femme et sciences », j’ajouterai aussi qu’il me tient à cœur d’amener davantage de jeunes femmes à choisir les disciplines doctorales où elles sont encore très minoritaires.

 

  • Quel message voudriez-vous transmettre en tant qu’ambassadrice ?

Le doctorat se doit d’être reconnu dans toute sa diversité et sa richesse, véritable articulation entre le réflexif, l’innovation et la réalisation de solutions pertinentes, capable d’apporter des réponses aux enjeux du monde académique comme celui de l’entreprise.

Il est important de faire connaître les possibilités contractuelles aux différents acteurs socio-économiques et institutionnels afin d’amener à recruter des doctorants ceux qui pensent ne pas être concernés par ces dispositifs ainsi que de convaincre les hésitants. Cette période de formation apporte autant de plus-value aux futurs docteurs qu’aux organismes et entreprises recruteurs.

 

  • Les sciences, qu’elles soient dures ou sociales, sont de plus en plus remises en cause. En quoi est-ce essentiel de mettre en avant les sciences, la recherche et par conséquent le doctorat ?

Pour moi, la science n’est pas indépendante de la société dans laquelle elle évolue. La science est le résultat de l’investissement de femmes et d’hommes qui ont une certaine perception de leur environnement sociétal et scientifique. Les scientifiques sont en capacité d’apporter des solutions à la société. Des solutions qui peuvent être en rupture avec les idées dominantes comme lorsque la notion de Terre ronde qui tourne autour du soleil a dû s’imposer face au vieux modèle de Terre plate fixe au centre de l’univers.

La science n’est pas là pour acquiescer à ce qui se dit par coutume ou pour satisfaire des intérêts, mais pour apporter de la connaissance sur des éléments jusque-là mal compris ou inexpliqués, pour découvrir des inimaginables.

Le scientifique va donc poser des hypothèses, les vérifier, et apporter des explications. Tant que les preuves n’ont pas été apportées, la discussion contradictoire est utile pour avancer. Mais une fois que la vérification est faite, les faits sont actés. Ainsi revenir comme on peut le voir actuellement sur le fait que la Terre est ronde et tourne autour du soleil n’a rien de scientifique.

 

  • Comment voyez-vous votre mission d’ambassadrice du doctorat ?

Valoriser le doctorat nécessite d’être ouvert à la pluridisciplinarité, aux multiples situations professionnelles où le travail de recherche est effectué et au contact humain. Je vois donc cette mission comme un moment de valorisation, de partage et d’échange avec le monde socio-économique, mais aussi avec le grand public.

 

  • Chaque année, l’URN forme de nouveaux docteurs. Qu’aimeriez-vous dire aux doctorants qui viennent de débuter leur thèse ?

La première chose que j’aimerais dire aux doctorantes et aux doctorants, c’est de prendre du plaisir à développer une pensée scientifique.

La deuxième chose, c’est d’apprendre à savoir travailler avec les autres et à développer un respect mutuel. Cela veut dire respecter les autres, mais aussi faire respecter sa pensée. Il faut savoir défendre ses idées tout en étant attentif aux critiques constructives, apprendre à avoir confiance en soi. Il y a toujours des moments de doute qui peuvent advenir lors d’une thèse. Ce doute est important, il ne faut pas que cela mine le doctorant. En effet, il faut que le doute soit moteur de la recherche, mais pas élément destructeur.

Une fois le travail doctoral réalisé, il faut être fier de ce qui a été accompli et prendre cette expérience professionnelle comme un levier formidable pour poursuivre sa carrière. Oui, le doctorat est un très beau diplôme !