Sur les réseaux sociaux, chaque sujet intime devient un thème de débat public : identité sexuelle, genre, TDAH, haut potentiel, troubles alimentaires, dyslexie, stress, normes physiques… Ces conversations, parfois lancées dans une intention bienveillante de sensibilisation, finissent parfois par nourrir une hyper-conscience de soi.
Les jeunes y apprennent, jour après jour, à se scruter, à se diagnostiquer, mais surtout, à se comparer. Chaque émotion devient suspecte : « Suis-je stressé ? TDAH ? Hypersensible ? », chaque écart par rapport aux normes visibles sur les réseaux sociaux devient motif d’inquiétude. Cette peur permanente à propos de soi-même crée un terrain fertile pour le mal-être.
Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas nécessairement plus stressés biologiquement que les générations précédentes – ils ont surtout appris à avoir peur d’être stressés selon Sonia Lupien, chercheuse en neurosciences. Autrement dit, c’est la représentation négative du stress qui en augmente l’intensité.
Nos recherches soulignent que les réseaux sociaux agissent comme une caisse de résonance du mal-être. En véhiculant en continu des messages alarmistes selon lesquels le mal-être est un poison ou en diffusant des discours emprunts d’une positivité exacerbée, ils entretiennent la croyance qu’un individu équilibré devrait être constamment serein et performant.
Le mal-être est donc devenu social et symbolique. Par le biais des réseaux sociaux, il devient diffus, constant et se renforce au gré de la visibilité des contenus numériques et de la comparaison sociale qu’ils sous-tendent. Ainsi, les jeunes ne fuient plus une menace extérieure, mais un jugement collectif permanent, celui des pairs et des algorithmes qui régulent leur image de soi.
En définitive, à force de présenter l’anxiété, la fatigue ou encore la différence comme des signaux alarmants, les jeunes finissent par redouter de ne pas souffrir de pathologies qui les rendent « normaux » aux yeux des autres.