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Rencontre avec un doctorant de l'Université

Yann Charpentier, doctorant aux laboratoires CETAPS/GRHis

Thèse soutenue par le CEROUEN

« Il est essentiel de prendre du recul sur les éditions passées des Jeux olympiques, car derrière la devise “plus vite, plus haut, plus fort”, chère à Coubertin, se cachent des enjeux politiques, économiques, sociaux et environnementaux. »

Publié le 7 octobre 2025

  • Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

e m’appelle Yann Charpentier, j’ai 42 ans et je suis doctorant en deuxième année au laboratoire CETAPS (Centre d’études des transformations des activités physiques et sportives) ainsi qu’au laboratoire GRHIs (Groupe de recherche en histoire). J’ai la chance d’évoluer dans un environnement pluridisciplinaire qui réunit des spécialistes en histoire, géographie, psychologie, physiologie, management, santé ou encore biomécanique. J’appartiens à l’école doctorale « Homme, Sociétés, Risques, Territoire ».

Titulaire d’une licence d’allemand obtenue à l’université de Rouen Normandie, d’une maîtrise en études européennes à Paris VIII et d’un master en histoire contemporaine à l’université de Franche-Comté, j’ai exercé pendant quinze ans comme enseignant en Espagne avant de reprendre mes études en 2024.

 

  • Parlez-nous de votre thèse, quel est son sujet ?

Ma thèse est consacrée aux Jeux olympiques d’hiver de Sarajevo en 1984. Elle s’attache plus particulièrement à l’essor des sports d’hiver en Yougoslavie dans la perspective de ces Jeux, aux conditions ayant permis à un pays non-aligné d’en obtenir l’organisation pour la première fois, ainsi qu’à la question de l’héritage olympique, brutalement interrompu par les guerres de Yougoslavie. Elle est dirigée par Charly Machemehl (maître de conférences en histoire à l’UFR STAPS et directeur du CEROUEN) et Yves Bouvier (professeur des universités et directeur de l’UFR LSH).

 

  • Vous vous êtes récemment rendu à Sarajevo pour approfondir vos recherches. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

Ce voyage m’a profondément marqué, tant les traces du siège de Sarajevo restent visibles, trente ans plus tard, dans la ville et sur les installations olympiques. J’ai toutefois pu constater à quel point la mémoire des Jeux demeure vivante à Sarajevo, notamment grâce au travail acharné du musée olympique. J’ai également eu la chance de rencontrer plusieurs acteurs des Jeux, en particulier des athlètes ayant représenté la Yougoslavie en 1984. Leurs témoignages m’ont permis de mieux comprendre leur expérience et leur volonté de préserver aujourd’hui une culture des sports d’hiver en Bosnie-Herzégovine, malgré les difficultés politiques que traverse le pays.

 

  • L’olympisme met d’une certaine manière sa devise sportive « plus vite, plus haut, plus fort » au service de l’organisation d’événement toujours plus gigantesque. Pourquoi est-ce important de prendre un peu de recul et de venir étudier des Jeux Olympiques passés ?

Il est essentiel de prendre du recul sur les éditions passées des Jeux olympiques, car derrière la devise “plus vite, plus haut, plus fort”, chère à Coubertin, se cachent des enjeux politiques, économiques, sociaux et environnementaux. Cela vaut pour de nombreuses éditions : à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, pendant la guerre froide, comme en Yougoslavie en 1984. Le choix d’une ville hôte n’a d’ailleurs jamais vraiment été le fruit du hasard.

Dans le cas de Sarajevo, les Jeux doivent être replacés dans leur contexte : après une période de prospérité, la Yougoslavie connaît, à partir des années 1970, une grave crise économique. Bien que le projet ait fait souvent sourire à l’époque, l’organisation des Jeux représentait alors pour le pays une occasion d’affirmer au monde entier un modèle politique et idéologique unique : une nation non-alignée face aux blocs de la guerre froide, socialiste et fondée sur un modèle original, celui de l’autogestion. Le pays avait également comme ambition de développer un tourisme hivernal dans les montagnes de Sarajevo et de transformer une ville qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, avait peu évolué et souffrait encore de pollution et d’insalubrité. La conquête de médailles n’était pas une priorité pour l’État, et il convient de rappeler que la Yougoslavie fut le premier pays à accueillir les Jeux sans avoir jamais remporté la moindre médaille aux Jeux d’hiver. Pour autant, il ne s’agissait pas d’impressionner : contrairement à des éditions récentes comme Sotchi ou Pékin, les Jeux de Sarajevo n’avaient pas encore cédé au gigantisme que l’on a pu connaître ces dernières années.

 

  • Votre thèse se fait en lien avec le CEROUEN ? En quoi celui-ci vous aide-t-il ?

Le CEROUEN me permet de travailler dans d’excellentes conditions, grâce au financement de ma thèse et à une dotation couvrant mes déplacements dans de nombreux centres d’archives (Sarajevo, Lausanne, Belgrade, Paris…), mes publications futures ou mes interventions à des colloques. Sans cette aide, il me serait difficile de pouvoir mener à bien cette thèse. Le CEROUEN m’offre également la possibilité d’évoluer au sein d’un réseau de spécialistes de l’olympisme, d’enrichir mes connaissances et d’élargir mes horizons de recherche. Il est toujours stimulant de découvrir d’autres approches et de ne pas se limiter à son propre projet : l’olympisme est un champ vaste, où de nombreuses questions peuvent émerger et nourrir la réflexion. Enfin, le CEROUEN nous donne l’occasion de présenter nos travaux lors de la Semaine Olympique et Paralympique, un événement qui permet de faire connaître à un public varié, qu’il soit spécialiste, curieux ou non initié, les recherches et actions menées par le centre et ses partenaires. Nous espérons que la prochaine édition rencontrera, elle aussi, un grand succès !