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Rencontre avec un enseignant-chercheur de l'Université

Sébastien Adalid, Professeur de droit public

UFR Droit, Sciences économiques et Gestion - directeur-adjoint de l'école doctorale « Droit Normandie »

"L’objectif a été de ne pas enseigner abstraitement aux étudiants les règles relatives aux fonctions des services publics locaux. C’est pourquoi j’ai décidé de mettre les étudiants en situation, voire en compétition. L’exercice est le suivant : « vous devez créer un nouveau service public pour la Métropole de Rouen Normandie »."

  • Présentez-vous ! Quel est votre parcours ? Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

Je suis Professeur de droit public à l’université de Rouen Normandie, rattaché à l’UFR de Droit, Sciences économiques et Gestion. C’est ma troisième année à Rouen. Avant, j’ai passé quatre ans au Havre en tant que professeur de droit public. Avant cela, j’étais maître de conférences à l’Université Paris-Est Créteil. J’ai exercé dans de nombreuses universités avant d’être nommé à l’université de Rouen Normandie. J’ai plusieurs casquettes, mais je suis notamment directeur du Master 2 SPP (Services et Politiques Publics) depuis un peu plus d’un an.

 

  • Vous avez mis en place un cours d’une grande originalité et d’une grande ambition, pouvez-vous nous en parler ?

C’est un cours dont l’intitulé dans la maquette est : « Instruments juridiques de gestion des services publics ». C’est un cours assez technique. L’objectif a été justement de ne pas enseigner abstraitement aux étudiants les règles relatives aux fonctions des services publics locaux. Au surplus, en Master 2, les volumes horaires sont assez réduits. En l’espèce, c’est un cours qui de seize heures, ce qui ne permet pas tout leur enseigner. C’est pourquoi j’ai décidé de mettre les étudiants en situation, voire en compétition. L’exercice est le suivant : « vous devez créer un nouveau service public pour la Métropole de Rouen Normandie ». Ils doivent rédiger la délibération qui sera soumise au conseil de métropole. On va de l’idée à la conception du service, à sa concrétisation juridique. Cela mobilise, dans un premier temps, leur imaginaire et leur connaissance du terrain, parce qu’ils doivent aller voir ce qui existe, ce qui n’existe pas et ce qui est pertinent. Après, il y a la phase de construction. Ils ont tous identifié un problème ou un besoin, ils doivent alors trouver une solution. Ce n’est là que le début du travail. Après, il faut être très concret, c’est à dire comment répondre, techniquement, concrètement, financièrement au besoin. Ils terminent par la rédaction, en elle-même, de la délibération.

Il y a deux versants qui rendent l’exercice stimulant. Il y a un enjeu minimum : ils doivent présenter leur service en public devant un jury composé à la fois de personnalités locales, et notamment le président de la métropole Nicolas Mayer-Rossignol, et de personnalités détenant les compétences techniques comme le président de la Chambre régionale des comptes et également de collègues. Mais je ne voulais pas non plus les lâcher dans la nature et j’ai demandé que, régulièrement, il y ait des extérieurs qui viennent les accompagner. On a eu un conseiller municipal de Rouen, Adrien Naizet, qui est délégué à la jeunesse, à la formation, à l’université, qui leur a dit « moi, pour la métropole, je pense que c’est une bonne ou une mauvaise idée ». Ensuite on a eu plutôt des accompagnants plus techniques, quelqu’un à la Chambre régionale des comptes pour évoquer notamment les financements et enfin deux dernières intervenantes plutôt juristes pour la construction de leur délibération.

 

  • Est-ce qu’on ressent une plus grande émulation au niveau des étudiants quand on propose un cours comme celui-ci ?

Franchement, ils ont fourni un travail phénoménal. Tous les groupes ont travaillé très sérieusement. Certains sont allés sur site, ils ont pris des photos, ils ont vraiment été motivés, stimulés, ils en ont presque trop fait. Mais c’est chouette, ils se sont vraiment tous impliqués. Ils ont tous fait quelque chose que je ne pensais pas qu’ils feraient : ils ont appelé des administrations, ils ont cherché des renseignements au plus près du terrain. C’est très bien parce que cela a fait sauter une barrière chez eux. Maintenant, ils ont moins d’appréhension à solliciter les professionnel, ce qui évidemment, pour leur vie future est une bonne chose. Ils ont acquis des connaissances qu’ils n’auraient pas acquises dans un cours classique puisqu’ils ont fait par eux-mêmes. Et cela, c’était vraiment l’objectif du cours.

 

  • Pouvez-vous nous donner des exemples des services publics créés ?

Je peux vous donner les quatre. Il y a un groupe qui veut créer, ce qu’ils appellent un doctobus, c’est à dire un bus avec un assistant médical et un médecin qui irait dans les déserts médicaux. Le bus circulerait sur six jours. Trois jours dans un espace rural et trois jours dans un espace urbain, parce qu’il y a des endroits, notamment dans les quartiers défavorisés où il n’y a plus de médecins. Un autre groupe a voulu créer une navette fluviale de déplacement urbain qui irait de Elbeuf à Rouen et de Rouen à La Bouille. Le troisième groupe a créé un service d’accompagnement et de soutien aux particuliers et aux professionnels pour l’installation de cuves de récupération d’eau de pluie, qui pourrait servir notamment pour les toilettes et après repartir dans le réseau normal. Le dernier groupe, à la base, leur idée était de créer une application mobile pour aller chercher les plats non utilisés dans les cantines scolaires.

 

  • Les thèmes que vous évoquez reprennent beaucoup des thématiques dans l’air du temps, notamment au niveau environnemental. Vous avez senti que c’était important pour vos étudiants ?

Je crois qu’eux, cela les touche. Et puis c’est dans l’air du temps. Il y a d’autres idées qui ont été discutées, mais beaucoup tournaient autour de la problématique environnementale. Cela s’explique aussi en raison de l’importance prise politiquement par le problématique de l’environnement au sein de la métropole, qu’ils ont aussi eu envie de s’inscrire là-dedans. Ils s’inscrivent dans les thématiques où il y a des choses à faire et par conséquent, l’environnement s’impose assez vite.

 

  • Vous êtes professeur de droit public. Mettre en avant ces services publics c’était important pour vous ?

Avec ce cours, j’espère réussir à attirer un peu d’étudiants de L1, L2, L3. Souvent les étudiants en droit pensent qu’il n’y a pas de débouchés en droit public. Proportionnellement au nombre d’étudiants par Master, il y en a autant en droit public qu’en droit privé. Mais surtout, en droit public, il y a des choses à créer, il y a des choses à faire, il y a des choses à innover. J’ai eu l’idée de montrer ce qu’on peut faire avec le droit public.

 

  • Le dernier cours est une finale, devant un jury, avec des personnalités. Comment vous est venue cette idée et comment l’avez-vous mise en place ?

L’idée m’est venue parce que je me suis dit que cela rajoutait de l’enjeu pour les étudiants, que cela les motive. Quand j’ai annoncé au premier cours comment cela allait se dérouler, quand ils ont vu la composition du jury final, là ils ont dit « ah oui ok, donc il va falloir bosser, il ne faut pas se ridiculiser ». Je pense qu’ils auraient travaillé quasiment tout autant sans cela, mais ça rajoute du challenge. La liste des personnalités, elle est venue finalement assez naturellement. À Rouen, on a la chance d’avoir un tribunal administratif et le siège de la chambre régionale des comptes. Ils sont sur place. Inviter le président de la métropole et le président de l’URN, cela me semblait indispensable. Ils ont tous dit oui tout de suite, c’était très sympathique. Et enfin j’ai rajouté des collègues. Il ne reste plus qu’à savoir comment cela va se passer à l’oral. J’espère que tout ira bien.