Rencontre avec une enseignante-chercheuse de l'Université
Judit Vari, directrice du SAPHIRE
Maîtresse de conférences en sciences de l'éducation - UFR SHS
« L'IA vient requestionner les pratiques pédagogiques. Nous, en tant que SAPHIRE, nous nous formons, nous nous tenons informés sur ces évolutions rapides des outils, lesquelles peuvent être adaptées aux pratiques enseignantes. »
Publié le 19 novembre 2025
- Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?
Je m’appelle Judit Vari et je suis enseignante-chercheuse en sciences de l’éducation à l’UFR SHS (Sciences de l’homme et de la société), au département de sciences de l’éducation. Je travaille sur l’enfance et la jeunesse, notamment sur la place du jouer au niveau morale et politique. Je travaille aussi sur la pédagogie universitaire et l’Education populaire. Je suis également chargée de mission aux transformations pédagogiques et numériques et directrice du SAPHIRE, le service d’accompagnement à la pédagogie, à l’hybridation et à l’innovation pour la réussite étudiante.
- Quels sont vos sujets de prédilection ? Sur quoi portent vos recherches ?
J’enseigne notamment l’anthropologie à l’éducation. C’est un cours auquel je tiens beaucoup parce que je pense que l’anthropologie est une discipline qui peut être particulièrement pertinente pour des futurs éducateurs. Elle peut notamment apprendre à regarder le monde de manière différente, sans préjugés, aider à déconstruire ses représentations. La méthodologie ethnographique me semble pertinente pour comprendre le monde de manière différente, pas seulement quantifiable et quantifiée. J’enseigne aussi, au niveau master, un cours sur l’accompagnement aux relations dans les métiers éducatifs. Qu’est-ce que l’accompagnement ? Qu’est-ce que cela veut dire accompagner selon les différentes professions dans lesquelles on travaille ? J’enseigne cela plutôt autour de conduites de projets. J’essaie de mettre dans mes enseignements beaucoup des méthodes actives, avec des débats mouvants, de l’anthropologie visuelle, etc. L’idée est que les étudiants deviennent vraiment actifs dans leur formation. Ce que j’essaie aussi de défendre dans mes enseignements, c’est la curiosité intellectuelle et de faire que les étudiants lisent davantage.
Au niveau de la recherche, je suis en train de terminer mon HDR (habilitation à diriger des recherches) et je travaille beaucoup sur l’enfance et la jeunesse. Je me suis spécialisée sur les pratiques de socialisation. Comment les jeunes se socialisent progressivement non seulement dans les institutions comme l’école mais aussi via ce que l’on appelle les marges de la société, c’est-à-dire les petits objets, les loisirs, les jeux vidéo, etc. Je travaille sur les interstices du social afin de voir justement comment les enfants et les jeunes développent des capacités d’agir dans ce qu’on appelle l’agentivité.
- Depuis septembre 2024, vous êtes directrice du SAPHIRE. Pouvez-vous nous parler de ce service ?
C’est un service qui a été créé il y a trois ans et qui est composé de 22 agents. Avant, le SAPHIRE, il existait le SUN qui était le service aux usagers du numérique. Il accompagnait déjà les enseignants à utiliser les outils technologiques dans leurs enseignements, et était déjà porté sur la réussite étudiante.
Depuis les années 2015, il y a eu tout un mouvement de services universitaires de pédagogie qui se sont mis en place et qui suivait la loi ORE (Orientation réussite étudiante). Les universités doivent se doter de services de pédagogie pour accompagner les enseignants à seformer tout au long de la vie à la pédagogie Les outils technologiques changent très rapidement et on souhaite développer davantage la pédagogie qui prend plus d’ampleur dans la carrière des enseignants-chercheurs. Le but est d’aider les étudiants à mieux réussir, puisque le constat avait été fait que la réussite étudiante en licence avait peu progressé depuis quelques années. Il faut accompagner au mieux ces nouveaux profils d’étudiants qui changent progressivement. Et pour cela, il faut passer par les enseignants et le développement d’autres pratiques pédagogiques. C’est ainsi qu’est né le SAPHIRE.
- Quels sont les enjeux auxquels le SAPHIRE doit répondre ?
Le principal enjeu est de toujours s’auto-former et s’informer. En ce moment, il y a par exemple l’explosion de l’IA qui nous impose d’évoluer. Avant cela, il y a eu le Covid qui a été un premier facteur de changements. Avec ce paradoxe, qu’il y a eu une sur-sollicitation pendant la pandémie, et après une demande de retour au présentiel.
Il y a des enseignants qui sont technophiles, qui essayent d’utiliser les outils technologiques pour développer des pédagogies, mais ce n’est pas le cas de tous. Il faut donc s’adapter au public et pouvoir répondre aux problématiques. L’IA vient requestionner les pratiques pédagogiques. Nous, en tant que SAPHIRE, nous nous formons, nous nous tenons informés sur ces évolutions rapides des outils, lesquelles peuvent être adaptées aux pratiques enseignantes. Mais il faut aussi, respecter les différentes politiques de l’Université comme le RGPD (règlement général de la protection des données)
Mais le SAPHIRE ne travaille pas seulement autour des outils numériques, mais aussi sur les pratiques pédagogiques. C’est quelque chose qui s’est également beaucoup développé ces derniers temps. Comment accompagner les enseignants-chercheurs à développer d’autres pratiques pédagogiques qui n’utilisent pas toujours les outils technologiques ?
- Depuis que vous êtes arrivée, qu’avez-vous pu mettre en place ?
La première chose, c’est de faire en sorte que le SAPHIRE soit mieux identifié. Étant un service assez jeune, la communauté universitaire ne connaît pas toutes les missions, surtout autour de l’accompagnement des équipes. Il y a parfois une méconnaissance ou une confusion dans les missions. Nous cherchons donc à travailler davantage notre identité en tant que service.
Nous travaillons beaucoup sur la pédagogie. Il y a par exemple les ARE, les projets d’accompagnement à la réussite étudiante. Sur ce sujet, nous accompagnons les équipes enseignantes. Il y a aussi la formation des nouveaux maîtres de conférences. Nous pouvons également accompagner sur l’évaluation, que ce soit celle des étudiants, ou de son propre enseignement.
Nous avons aussi travaillé au déploiement d’ECRI+ et des nouveaux cursus à l’Université (NCU). Les responsables de ces projets ont rejoint le SAPHIRE. Nous sommes focalisés sur le fait d’accompagner la mise en œuvre de grands projets qui structurent l’Université.
Sur l’intelligence artificielle, il y avait une demande très forte. Au départ, on se demandait plutôt comment faire face et comment interdire. Mais on ne peut pas interdire l’IA. Donc, désormais nous cherchons à accompagner au mieux les enseignants et à les aider à faire avec. Nous voulons aussi former les étudiants car c’est un enjeu de demain.
- Quelles sont les prochaines échéances pour le SAPHIRE ?
Nous essayons justement de travailler sur un guide de bonnes pratiques de l’IA. Nous aimerions idéalement le sortir au printemps 2026. Par ailleurs, nous allons continuer d’aider au développement de l’hybridation des enseignements. Et il y a ECRI+ qui a pris pas mal d’ampleur et dont nous allons continuer d’accompagner le déploiement.
Il y a également tout un cycle de formation qui est ouvert et c’est important d’en parler. Ce cycle concerne tout le monde : les enseignants-chercheurs, mais aussi les enseignants contractuels vacataires, les doctorants et les personnels. Tout le monde peut se former. D’ailleurs nous intervenons régulièrement auprès de composantes ou de services lorsqu’ils nous sollicitent sur des formations spécifiques ou des projets pédagogiques.