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Rencontre avec un enseignant-chercheur de l'Université

Jean-Pierre Goullé, Président de l’Académie Nationale de Médecine

Professeur émérite au département de pharmacie de l'UFR Santé

"C’est important pour Rouen d’accueillir cette séance délocalisée de l'Académie Nationale de Médecine car cela offre une belle vitrine qui permet de montrer toute la qualité des travaux qui sont menés à Rouen. Cela honore l'Université tout entière."

  • Présentez-vous ! Quel est votre rôle au sein de l’université de Rouen Normandie ?

Je suis professeur émérite à l’université de Rouen Normandie au département de pharmacie. Je suis pharmacien et professeur de toxicologie et je travaille sur la science des poisons en faisant de la recherche à la fois dans un cadre médical avec les intoxications et dans un cadre judiciaire avec la recherche d’empoisonnements. Je suis d’ailleurs à l’origine de l’affaire de la josacine. J’ai cessé mon activité à temps plein à l’université en 2015 mais je continue à dispenser des enseignements bénévolement. Avant j’étais professeur des universités à l’UFR Santé de l’URN et praticien hospitalier au CHU de Rouen. J’ai également siégé pendant 12 ans au collège de l’agence française de lutte contre le dopage au titre de l’académie de pharmacie dont je fais toujours partie.

 

  • Depuis janvier 2023, vous êtes également Président de l’Académie Nationale de Médecine. Pouvez-vous nous en dire plus ? Que fait cette académie ?

J’ai été élu vice-Président de l’Académie Nationale de Médecine en décembre 2021 par décret du Président de la République. Etant vice-Président pour l’année 2022, automatiquement je devenais Président pour l’année 2023.

L’Académie Nationale de Médecine a été créée en 1820 sous Louis XVIII par ordonnance royale. Elle est là pour répondre aux demandes et aux besoins du gouvernement pour tout ce qui intéresse la santé publique. A l’époque cela concernait surtout les épidémies, mais ça reste également le cas aujourd’hui avec la covid-19. Sinon nous traitons des maladies particulières, la médecine légale, la propagation des vaccins, l’examen de nouveaux remèdes et nouveaux médicaments.

Elle est totalement indépendante, elle ne dépend pas du pouvoir politique, contrairement à des structures comme les Agences Régionales de Santé par exemple. L’Académie fait de la médecine et s’occupe des problèmes de santé à l’écart de toute contingence politique. Son rôle c’est essentiellement d’être une vigie et un lanceur d’alerte et de faire des propositions et des recommandations. Par exemple sur le port des masques, quand il y a eu l’épidémie de covid-19, l’Académie Nationale de Médecine a été la première, avant les autorités gouvernementales, à suggérer le port du masque pour limiter la contamination du virus.

Nous avons aussi un rôle à jouer sur la déontologie et l’éthique. A l’heure actuelle, nous travaillons sur le dossier de fin de vie qui est un débat public et national qui fait l’objet de réflexions. L’Académie Nationale de Médecine va émettre prochainement un avis sur ce dossier.

L’Académie Nationale de Médecine réunit des médecins, des chirurgiens, des biologistes, des pharmaciens, des vétérinaires, qui sont reconnus par leurs travaux scientifiques et les responsabilités qu’ils ont assurées dans le domaine de la santé. En général, ce sont des gens en fin de carrière qui accède à l’Académie Nationale de Médecine, puisqu’ils sont élus par leurs pairs pour leurs compétences dans des domaines particuliers. Depuis sa création, l’Académie a compté parmi ses membres onze prix Nobel. Il y a 135 membres titulaires, donc dix pharmaciens et six vétérinaires. Donc c’est assez rare que ce soit un pharmacien qui préside. Il y a également des membres honoris causa, dont trois prix Nobel.

 

  • La semaine prochaine, une séance délocalisée de l’Académie est organisée à Rouen pour la première fois depuis plus d’un siècle. Pourquoi cette délocalisation ici ?

Le choix de Rouen est très simple. Il y a une séance délocalisée chaque année et c’est le Président de l’Académie en exercice qui choisit le lieu. Etant universitaire dans cette faculté, il me semblait naturel de choisir Rouen.

 

  • Que fait-on dans ce type de séance ?

En dehors de celle-ci qui est délocalisée, les séances ont lieu de manière hebdomadaire à Paris. Ce sont des séances plénières qui se déroulent le mardi après-midi et au cours desquelles on aborde des sujets médicaux. Hier par exemple, c’était sur la sensorialité, sur le goût, sur l’odorat, avec des spécialistes éminents de ces questions. Tout le monde ne vient pas à toutes les séances. Hier, nous étions 80 et il y avait une vingtaine de collègues connectés en ligne. Avec l’épidémie de covid-19 nous avons développé ces outils de visio, ce qui permet aux académiciens qui viennent de loin de ne pas faire chaque déplacement.

Pour revenir à la séance à Rouen, la semaine du 23 mai 2023, nous avons une session très originale puisqu’on va parler de robotique. C’est un sujet important à Rouen et il y a plusieurs thèmes qui vont être traités sur le développement du vasculaire interventionnelle, c’est à dire que plutôt que de mener des opérations chirurgicales, on va réaliser un certain nombre d’opérations directement par un apport vasculaire. C’est par exemple, l’angioplastie coronaire assistée par robotique. Il y a eu une première en Europe qui sera présentée par le professeur Eric Durand, qui est cardiologue au CHU de Rouen. Il y aura également l’utilisation du robot en chirurgie thoracique qui sera présenté par le professeur Jean-Marc Baste. Il y aura également une partie sur la simulation en santé qui sera présentée par le professeur Louis Sibert et qui évoquera notamment le Medical Training Center de Rouen Normandie qui a une réputation internationale dans le domaine. Et enfin, il y aura une présentation phare du professeur Alain Cribier, qui a mis au point le TAVI, une technique qui permet d’éviter la chirurgie lourde, la chirurgie cardiaque.

 

  • Justement, à l’occasion de cette séance délocalisée de l’Académie Nationale de Médecine, le Professeur Alain Cribier se verra remettre le titre de membre Honoris causa, pouvez-vous nous dire un mot sur votre confrère ?

Alain Cribier est l’inventeur du TAVI, le remplacement percutané de valve aortique. Jusqu’à ce que le professeur Cribier ait mis au point cette procédure, il fallait faire une chirurgie cardiaque lourde pour aller changer la valve au niveau du coeur. Il a mené des travaux pendant plus de dix ans sur le sujet, et désormais, cela permet d’éviter une chirurgie thoracique, avec tous les inconvénients qui en découlent, avec toutes les suites opératoires que ça impose et la surveillance dans des services qui sont quand même conséquents. Là, il fait cela par voix vasculaire, il monte la valve par le vaisseau au niveau du cœur. Cette opération a été menée dans le monde entier et il y a plus de 2 millions de patients qui ont été traités depuis. Or, la première mondiale de cette technique a eu lieu à Rouen. Le TAVI est maintenant reconnu dans le monde entier. Le professeur Cribier a publié plus de 1000 articles dans le domaine, il a été lauréat de trente grands prix parmi les plus prestigieux au plan national et international.

Le titre de docteur honoris causa de l’Académie Nationale de Médecine est très prestigieux et très limité puisqu’il y a seulement cinq membres honoris causa à l’Académie Nationale de Médecine depuis qu’elle existe. Et parmi ces cinq membres, il y a trois prix Nobel. D’ailleurs, le professeur Cribier est nobélisable, mais la compétition est rude. L’Académie Nationale de Médecine a déposé un dossier au même titre que la société américaine de chirurgie pour soutenir la candidature du professeur Cribier auprès du jury Nobel.

 

  • Vous vous retrouverez à la fois au CHU et dans l’UFR Santé, est-ce important pour une université d’accueillir un tel événement ?

Il est vrai que c’est important pour Rouen d’accueillir cette séance délocalisée car cela offre une belle vitrine qui permet de montrer toute la qualité des travaux qui sont menés à Rouen. Cela honore l’Université tout entière, ce qui est quand même important. Et puis c’est une reconnaissance pour Rouen que de présenter ses travaux devant des académiciens qui viennent de la France entière. Il y a des membres de l’Académie qui viennent de Marseille, de Bordeaux, de Toulouse, de Brest, de Strasbourg, de Lille, de Lyon, etc. Et donc c’est important pour la reconnaissance de toutes ces activités médicales qui sont développées au sein du CHU comme du centre Henri Becquerel.

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