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Êtres à la dérive

08
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18
juin

Êtres à la dérive. Exposition photographique de Claire Delfino

Claire Delfino est photographe auteure depuis 2008. Son travail s’inscrit dans une démarche documentaire. Elle plonge dans l’intime et le quotidien des gens, à la recherche du singulier et du banal. L’adolescence est au coeur de son travail dans la série « Face cachée d’une jeunesse tourmentée » qui raconte la vie de jeunes hospitalisés en psychiatrie, en se focalisant sur le soin psychique. En parallèle, elle se consacre à un projet situé à l’interface entre photographie et science, « Êtres à la dérive », à travers lequel elle s’attache à révéler l’imperceptible de l’eau en élaborant des herbiers donnant à voir les origines du vivant comme celles de la photographie (cyanotypes et anthotypes). Elle est lauréate de la grande commande photographique – Radioscopie de la France – BNF et Ministère de la Culture, et lauréate du soutien à la photographie documentaire contemporaine du CNAP.

Immersion dans une goutte d’eau

Cette installation invite les promeneurs à contempler les végétaux microscopiques d’une goutte d’eau. Ici se mêlent des microalgues maritimes et des microalgues fluviales d’eau douce : le phytoplancton. Au milieu des océans, le long des côtes, mais aussi dans les fleuves, ces êtres à la dérive prolifèrent partout. Ils vivent dans la zone photique, là où les rayons du soleil pénètrent en profondeur et rendent possible la photosynthèse. Grâce à ce processus vital, commun à tous les végétaux terrestres et aquatiques, l’oxygène est libéré dans l’atmosphère. Le phytoplancton est ainsi intimement lié à l’homme. Nous respirons une fois sur deux grâce à cette forêt invisible d’algues, qui représente plus de 80% de la biomasse des mers. Le phytoplancton prend d’innombrables formes d’une étrange beauté mais comment révéler ces êtres imperceptibles aux allures de divinités aquatiques ?

Microscopie et photographie : un lien entre art et science

« Le microscope est l’unique outil permettant de rendre visible à l’œil nu ces êtres vivants. Pour dresser ces portraits bleus, je recours à la microscopie électronique. Cette image constitue mon point de départ, l’image source pour élaborer un négatif numérique. Les premières images photographiques sont des empreintes couleur azur obtenues sans appareil photo : le cyanotype. Cette technique par sa simplicité de manipulation a pour caractéristique la permanence. Le bleu comme arrière-plan nous rappelle son biotope, l’océan. Alors, de manière régressive, une image issue de la haute technologie se transforme en un procédé monochrome ancien. Le cyanotype devient une empreinte onirique et donne à voir un monde aquatique imperceptible, matière de nos rêves et sources de nos vies. »

Claire Delfino, Photographe

De l’imperceptibilité à l’icône globale

Invisible à l’œil nu, le plancton est pourtant l’organisme vivant le plus essentiel au monde, au cœur de la biodiversité maritime et fluviale. Ces organismes patrimoniaux ou « clés de voûte », impliquées dans l’équilibre écologique de cet écosystème de référence sur la surface terrestre, n’atteignent pas la dimension iconique des espèces emblématiques, et semblent moins ciblés par les actions de protection de l’environnement en dépit d’un rôle essentiel et incommensurable.

Au cœur des problématiques environnementales

« L’augmentation de la température des eaux, l’acidification des océans, la multiplication des événements extrêmes et la désoxygénation, combinés aux conséquences des multiples pollutions, de la pêche intensive et de la dégradation des habitats et fonds marins, aboutissent à une très forte érosion de la biodiversité marine, et le phytoplancton en est un exemple majeur. Il réagit très rapidement aux changements environnementaux et son déclin entraine une baisse de la production d’oxygène et l’extinction potentielle de nombreuses espèces directement dépendantes de ce maillon essentiel à la vie marine.

C’est pourquoi, par-delà sa créativité technologique, sa force d’inspiration poétique, et son esthétique particulièrement émouvante, cette installation de Claire Delfino semble permettre au plancton d’accéder au rang d’icône de l’Anthropocène et d’organisme totémique pour les problématiques environnementales. »

Fabrice Argounès, Commissaire d’exposition et
enseignant à l’INSPÉ Rouen-Le Havre Normandie

Découvrir le travail de Claire Delfino : https://clairedelfino.com/

Date de publication : 24/05/23