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D’Elizabeth II à Charles III, quelle transition ?

Elizabeth Alexandra Mary de Windsor, plus connue sous le nom d’Elizabeth II, est décédée le 8 septembre 2022 à 96 ans. Avec 70 ans de règne, 15 premiers ministres (de Winston Churchill à Liz Struss), 117 pays visités, la reine d’Angleterre aura marqué son époque et les esprits. Souveraine appréciée et reconnue, sa succession par son fils -qu’on doit désormais appeler Charles III- s’annonce complexe.
Alain Lauzanne, maître de conférences en civilisation britannique à l’université de Rouen Normandie analyse la situation.

À Londres devant le palais de Buckingham Palace, les bouquets de fleurs s’accumulent et les larmes coulent. Elizabeth II jouissait d’une popularité sans précédent et sa disparition laisse un grand vide dans le cœur des Britanniques. Alain Lauzanne évoque ses dernières années de règne : « Elle était devenue une vieille dame et paradoxalement, elle avait su conserver une certaine jeunesse. Elle a pris certainement beaucoup plus de plaisir à régner les vingt dernières années que dans les premières décennies. Je pense que l’apparition au côté de Daniel Craig, donc de James Bond, ou tout récemment en face de l’ours Paddington, lorsqu’elle sort son sandwich de son sac à main avec un œil pétillant et malicieux, ont démontré qu’elle était contente et qu’elle se faisait plaisir. Cela a certainement contribué à la rapprocher d’une frange de la population qui, autrement, aurait été peut-être un peu plus distante. »

Une popularité qui d’après lui est revenue en 2002 après des années 90 compliquées. « Il y a eu tous les scandales liés au divorce de ses enfants, les révélations de Diana, des soucis à cause de l’incendie du château de Windsor. Et puis évidemment, la crise au moment de la mort de la princesse Diana. Les années 90 ont vraiment été une période difficile pour elle, mais la monarchie n’était pas en danger. Et puis, à partir de 2002, elle est redevenue très populaire. Coup sur coup, il y a eu la mort de sa sœur et de sa mère. C’était entre février et avril. En juin, elle fêtait son jubilé d’or, et cela a été un grand succès. Deux ou trois ans avant, on n’aurait pas pu imaginer que ce soit une telle réussite. Dix et vingt ans plus tard, les jubilés de diamant et platine ont rencontré le même succès. »

 

Une situation inédite, un nouveau règne compliqué

Alain Lauzanne insiste sur la singularité de la situation. En effet, suite à la démission de l’ancien Premier Ministre Boris Johnson, Liz Truss a pris les commandes du pays… le 6 septembre 2022, soit 48 heures avant le décès d’Elizabeth II. « La situation est presque inédite. En 48 heures, le pays a changé de Premier Ministre, donc de chef de gouvernement, mais aussi de chef d’État. La Première Ministre a été nommée 48 heures avant la mort de la reine, et elle n’a donc aucune expérience en tant que telle. De même, le Prince Charles qui, certes, observele rôle de sa mère depuis plusieurs années, n’a pas véritablement d’expérience. C’est un contexte un peu particulier. »

En plus de la situation inédite, Charles III risque également de souffrir de son manque de popularité comme le rappelle Alain Lauzanne. « On va voir comment Charles fait ses preuves. Mais il part avec un gros handicap, car il n’est pas très populaire. Dans tous les sondages d’opinion sur la monarchie depuis des années, il est bien en-dessous de la reine. C’est toujours elle qui occupait la première place et lui, il était bien souvent en troisième ou quatrième position. C’est quelque chose qui va peut-être être un handicap pour lui et peut être pour la monarchie. »

Mais cette fameuse monarchie anglaise est-elle en danger ? Il fait un état de la situation actuelle. « En Grande-Bretagne, il y a une petite frange de républicains purs et durs. Et des monarchistes tout aussi enthousiastes. Et puis il y a, au milieu, des personnes qui trouvent que le système fonctionne bien avec le souverain, avec cette monarchie, et qui se demandent par qui on remplacerait le monarque. Ils ne sont pas forcément en faveur d’une république mais ne sont pas nécessairement des monarchistes convaincus. La reine, par sa popularité, par son sens du devoir, a certainement maintenu le pourcentage de républicains à un niveau relativement faible. Si Charles n’est pas populaire, s’il commet des impairs, il se peut que ce soit quelque chose qui se fasse au détriment de la monarchie. »

Une orientation nouvelle pour la monarchie britannique ?

Mais Alain Lauzanne n’est pas alarmiste. Le Prince Charles, devenu Charles III, a de l’expérience, des convictions et elles pourraient se décliner au sein de la monarchie britannique. « Normalement, le souverain doit être neutre. Certaines personnes se sont inquiétées des positions qu’il a prises, par exemple concernant l’architecture. Il exprime aussi sa position sur l’écologie depuis très longtemps puisque dans les années 70, il était l’un des premiers à dénoncer la consommation excessive de plastique. Il a des convictions à cet égard, qu’il a mises en place dans son parc de Highgrove où il cultive tout en bio. Mais, il est conscient que le souverain doit être neutre et il l’a dit à plusieurs reprises. En tant que chef d’État, il pourra peut-être avoir des gestes, comme en visitant des fermes ou des jardins bio, en poursuivant son investissement dans des œuvres caritatives pour envoyer un message. Toutefois, ce sera forcément avec beaucoup de prudence », conclut le maître de conférences à l’université de Rouen Normandie.

Elizabeth II et la Normandie

Depuis Guillaume le Conquérant, la Normandie a toujours été très liée à la Grande-Bretagne. La reine Elizabeth II a souvent manifesté son intérêt pour la région française. Elle était d’ailleurs duchesse de Normandie. Elle s’est souvent rendue sur place, pour les commémorations de la Seconde Guerre Mondiale, mais aussi en 1972 quand elle a visité Rouen pour rendre un hommage à Jeanne d’Arc puis en se rendant au cimetière britannique de Saint-Sever.

Alain Lauzanne est maître de conférences en civilisation britannique à l’université de Rouen Normandie.
Il appartient au département d’études anglophones de l’UFR Lettres et Sciences Humaines.

Dernière mise à jour : 12/09/22

Date de publication : 09/09/22