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Rencontre avec un docteur en sociologie

Geoffroy Carpier, docteur en Sociologie, spécialité Anthropologie des Sciences – Laboratoire Dysolab

« Le doctorat en anthropologie m’a permis de vivre des expériences inédites certes scientifiques mais avant tout humaines (…) C’est aussi un cheminement analytique et personnel très enrichissant où l’on s’ouvre à la pluralité des expériences et des représentations du monde ».

  • Pouvez-vous nous relater votre parcours d’études ? Comment en êtes-vous arrivé à faire une thèse ?

J’ai commencé par étudier la médecine à Angers puis j’ai suivi une licence de Droit à la Sorbonne. J’ai ensuite poursuivi mes études avec un Master 2 en Anthropologie du Droit puis un Master 2 en Histoire à Paris. J’ai réussi à décrocher une bourse au mérite pour aller étudier un an à New York à Cardozo et à la New School for Social Research. J’en ai profité pour y mener une enquête exploratoire du système de santé américain, j’avais déjà l’idée de poursuivre en doctorat. Véronique Duchesne qui était l’une de mes enseignantes en Master et qui est anthropologue de la santé m’a conseillé de contacter Patrice Cohen, professeur d’Anthropologie qui travaillait sur ces sujets au sein du laboratoire Dysolab de l’université de Rouen Normandie.

Nous nous sommes rencontrés à Rouen en 2013. J’ai décidé de commencer une thèse en anthropologie avec lui et je l’en remercie encore.

  • Quel était votre sujet d’études  ?  

J’ai choisi de travailler sur la recherche médicale publique sur les Complementary and Alternative Medicine (CAM) au sein des institutions fédérales de santé aux États-Unis d’Amérique des années 1990 à nos jours. Les « CAM » désignent les médecines “non traditionnelles” comme l’acupuncture, l’homéopathie, les plantes médicinales, le yoga, la méditation, ou encore la médecine chinoise.  Dans la cadre de mon doctorat, j’ai analysé comment différents acteurs de santé – représentants politiques, agents fédéraux, chercheurs, associations de patients se concurrencent et collaborent autour de l’intégration de ces « autres médecines » au sein de politiques de santé publique dans le cadre du traitement du cancer et de maladies chroniques.

 

  • Comment avez-vous financé votre thèse et comment avez-vous mené vos recherches ?

Sur les conseils de Patrice Cohen et sous sa supervision, j’ai profité d’un an d’enquête exploratoire pour rédiger et soumettre un projet de recherche circonstancié à l’Institut National du Cancer (INCa) qui m’a octroyé une bourse doctorale pendant trois ans de janvier 2015 à janvier 2018. Grâce à l’anthropologue médicale Emily Martin, j’ai pu bénéficier d’un statut de chercheur invité au département d’anthropologie de la New York University et avec ce statut, j’ai pu mener mes recherches au National Institute of Health (NIH). Ce furent des années très riches au cours desquelles j’ai rencontré des scientifiques de très haut niveau et partager des expériences humaines inédites.

  • Comment travailliez vous avec votre directeur de thèse  ?

Je faisais des points fréquemment avec Patrice Cohen et mon comité scientifique (Patrice Pinell et Laëtitia Atlani-Duault) depuis les États-Unis et lors de mes retours en France. En 2018, j’ai enseigné dans la filière Sociologie à l’université de Rouen Normandie en assurant plusieurs TD ou séminaire à la demande de Christophe Daum qui est également anthropologue au sein du laboratoire Dysolab. En 2019, j’ai été recruté au Département d’Études politiques et territoriales à la Faculté de Sciences sociales de l’université Jean-Monnet à Saint-Étienne en tant qu’attaché temporaire d’enseignement et de recherche (Ater). J’y ai enseigné pendant deux ans, principalement l’anthropologie de la santé, l’anthropologie des sciences et la théorisation ancrée. J’ai pu rédiger l’intégralité de ma thèse tout en assurant un service complet d’enseignement ; j’avais en effet accumulé une somme considérable de données en trois ans de terrain outre-Atlantique.

  • Que devenez-vous depuis votre doctorat ?

J’ai terminé mon contrat à Saint-Étienne l’été dernier. Je suis revenu chez moi à Binic en Bretagne dans la baie de Saint-Brieuc. J’ai déposé des dossiers auprès de plusieurs universités mais il y a peu de postes en anthropologie. Il faut souvent cumuler plusieurs années de contrats précaires dans la recherche et l’enseignement, et multiplier les publications, pour espérer décrocher un poste après le doctorat. J’aspire bien sûr à mener une carrière universitaire, peut-être à l’étranger, je me laisse quelques mois de réflexion. Je m’engage actuellement au sein d’associations sur ma commune et travaille sur plusieurs projets professionnels.

  • Qu’avez-vous retiré de votre doctorat ?

Le doctorat m’a permis de vivre des expériences inédites certes scientifiques mais avant tout humaines d’une part auprès des acteurs de mon terrain et d’autre part avec les collègues chercheurs. Mener une ethnographie sur un temps long, se faire accepter et négocier sa place parmi divers groupes, s’immerger dans une culture – la recherche médicale publique sur les CAM aux Etats-Unis qui m’était presque totalement étrangère – représentent des expériences singulières pleine de rebondissements avec des moments parfois heureux, parfois difficiles. C’est aussi un cheminement analytique et personnel très enrichissant où l’on s’ouvre à la pluralité des expériences et des représentations du monde.