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La recherche sur le VIH bien présente à l’URN

Depuis maintenant 34 ans, le 1er décembre est connu pour être la journée mondiale de lutte contre le SIDA. Si dans les années 90 et 2000, les campagnes de prévention et la présence dans les médias étaient quasiment quotidiennes, depuis un certain nombre d’années, les avancées thérapeutiques font qu’on parle moins communément du SIDA et de la recherche qui se fait autour de cette maladie. Pourtant, la recherche ne s’est jamais arrêtée. Et à l’université de Rouen Normandie, les enseignants-chercheurs Jean-Christophe Plantier et Manuel Etienne ainsi que leurs équipes continuent de travailler régulièrement sur le virus du VIH. Nous les avons rencontrés pour évoquer le sujet.

« Depuis un certain nombre d’années, les thématiques de recherche ont changé. Si le volume financier global a probablement dû baisser, au sein de l’ANRS/MIE (Agence Nationale de Recherches sur le SIDA), le budget de la recherche n’a pas changé, car ça reste une priorité nationale », explique le Professeur Jean-Christophe Plantier, virologue au CHU de Rouen et directeur de l’unité de recherche UMR 1311 DYNAMICURE. Son confrère le Professeur Manuel Etienne, infectiologue au CHU de Rouen, chercheur à l’UMR 1311 DYNAMICURE et président du COREVIH Normandie (Coordination Régionale de la lutte contre le VIH et les IST) va dans son sens : « Avec le fait que les thérapeutiques sont devenues nettement plus efficaces, la recherche a évolué. Dorénavant, un patient qui est diagnostiqué et mis sous traitement va pouvoir avoir une bonne qualité de vie et une espérance de vie très prolongée ». C’est la raison pour laquelle la recherche autour du VIH s’est déplacée vers d’autres thématiques. « Il y en a deux », continue Manuel Etienne. « La première c’est la recherche sur la guérison. Pourrait-on se débarrasser totalement de l’infection ? La deuxième thématique est plus sur la prévention et les moyens pour limiter les nouvelles contaminations ». Jean-Christophe Plantier va plus loin : « En effet, il y a tout un travail sur la guérison. Le virus reste dans des réservoirs au sein de l’organisme. Or il faut atteindre ces réservoirs et en sortir le virus pour totalement l’éradiquer et guérir. La recherche sur ce pan là existe depuis très longtemps, mais elle est très compliquée ». L’un des autres aspects de la recherche autour du SIDA est la vaccination. « On essaye de faire des vaccins adaptés au VIH. Mais ça ne fonctionne pas bien parce que c’est un virus qui mute fréquemment ».

La recherche sur les variants, expertise rouennaise

Les variants du VIH c’est justement la spécialité de l’unité de recherche DYNAMICURE. Si plus récemment, le laboratoire s’est majoritairement spécialisé sur les infections respiratoires et urinaires, la recherche sur le VIH fait toujours partie des préoccupations des chercheurs en raison de leur expertise en tant que centre national de référence sur les variants atypiques du VIH. « Nous sommes les spécialistes nationaux et internationaux du sujet. Dès qu’il y a quelque chose dans un laboratoire qui n’est pas clair dans le diagnostic ou le suivi du VIH, on nous l’envoie et c’est comme ça qu’on a identifié un nouveau variant et également ce qu’on appelle des recombinants », explique Jean-Christophe Plantier. À côté de lui, Manuel Etienne rigole : « Il est modeste. Mais il faut savoir qu’en 2009, l’équipe du Professeur Plantier a décrit un variant pour la première fois qui s’appelle le variant P ». Cette recherche a permis à Jean-Christophe Plantier et son équipe d’être reconnus pour leur travail sur ces variants.

Car le travail sur les variants et sur les recombinants – qui sont des fusions entre deux variants, le virus majoritaire et un virus divergent – a une importance primordiale. « La difficulté dans ces recombinants, c’est la crainte que les virus évoluent de façon un peu brutale pour finir par échapper au diagnostic ou pour se transformer vers une forme plus contagieuse, plus virulente, plus agressive ou qui échapperait aux traitements », continue Manuel Etienne. Contrairement au variant M, le virus majoritaire, qui touche près de 38 millions de personnes dans le monde, le variant P, découvert le Professeur Plantier et son équipe n’a été identifié jusqu’à présent que chez deux personnes, et pourtant il est essentiel dans la compréhension de la maladie. « Les variants divergents sur le plan génétique peuvent en effet poser des problèmes sur le diagnostic. Il peut y avoir des faux négatifs au diagnostic,  des difficultés de suivis virologiques, des traitements qui ne fonctionnent pas car ces virus résistent naturellement aux médicaments » explique Jean-Christophe Plantier. Manuel Etienne appuie son propos : « Deux personnes ça peut paraître anecdotique, mais c’est loin d’être le cas. Ce n’est pas la même problématique que pour le groupe M qui représente 98 % des VIH dans le monde. Ici, cela reflète la capacité des organisations à trouver des variants émergents, à ne pas manquer des diagnostics. Cela permet aussi de comprendre les mécanismes qui sont à l’origine de l’émergence des variants et de l’évolution des virus ».

Des variants minoritaires, mais aussi d’importantes études cliniques

Mais à l’université de Rouen Normandie et au CHU de Rouen, on ne travaille pas uniquement sur ces variants et ces recombinants. Du côté des études cliniques, c’est sans surprise le virus majoritaire M qui est le plus étudié. « Dans le cadre du COREVIH, on participe et on anime la recherche dans la région en fédérant un petit peu les services. Sur les trois dernières années, nous avons participé à 28 travaux de recherche distincts. Ce sont soit des essais menés par l’ANRS/MIE, soit des essais de laboratoires pharmaceutiques qui font des recherches sur des nouvelles molécules. Nous travaillons aussi sur la recherche épidémiologique, parce que dans les défis du VIH, on a bien sûr les défis thérapeutiques, mais on a aussi des défis sociologiques qui tournent autour du dépistage, sur le fait d’identifier les personnes qui ignorent leur séropositivité, de travailler à la qualité de vie des personnes qui ont le VIH », expose Manuel Etienne.

Un exemple de cette recherche clinique faite auprès des patients atteints du SIDA est l’étude Quatuor. Si elle est menée par l’ANRS et l’INSERM, les chercheurs rouennais sont investis sur le projet. Manuel Etienne utilise cet exemple pour évoquer le travail qui se fait de concert entre son équipe et celle du Professeur Plantier. « Ici, on regarde si on peut donner aux patients le traitement quatre jours sur sept avec la même efficacité que si on me donne sept jours sur sept. À chaque fois qu’on fait ça, on mesure la quantité de virus de façon répétée, et cela se fait avec le laboratoire. Dès qu’on a une étude qui nécessite des outils virologiques, on travaille ensemble ».

L'épidémie de SIDA en chiffres

(Source : ONUSIDA)

  • 38,4 millions de personnes vivaient avec le VIH en 2021
  • 1,5 million de personnes sont devenues nouvellement infectées par le VIH en 2021
  • 650 000 de personnes sont décédées de maladies liées au sida en 2021
  • 84,2 millions de personnes ont été infectées par le VIH depuis le début de l’épidémie
  • 40,1 millions de personnes sont décédées de suite de maladies liées au sida depuis le début de l’épidémie
  • 28,7 millions de personnes avaient accès à la thérapie antirétrovirale en 2021.

Des raisons de continuer la recherche

Mais malgré toutes les avancées scientifiques autour du SIDA, les deux Professeurs insistent sur l’importance de continuer la recherche. « La première raison, c’est que les façons dont on attrape cette maladie sont partagées par d’autres. On peut à la fois attraper le VIH, des hépatites, d’autres infections sexuellement transmissibles. Lutter contre le VIH ou prévenir le VIH, c’est prévenir tout un tas de pathologies. La deuxième raison, c’est que malgré tous les progrès réalisés, attraper le SIDA, c’est être atteint toute la vie et qui cela peut conduire à des discriminations. La troisième raison, c’est que qu’il y a encore des gens qui ne savent pas qu’ils sont séropositifs, ce qui entraîne des morts parce qu’ils ne sont pas dépistés assez tôt. Ça reste une maladie grave si elle n’est pas prise en charge. Et la quatrième raison mais c’est qu’on voit qu’on a tous les outils pour se débarrasser de cette infection. On pourrait venir à bout de l’épidémie si tout le monde est traité. Si 95 % des gens sont diagnostiqués, traités, il n’y aurait plus de transmission et l’épidémie pourrait s’éteindre », explique Manuel Etienne. « On en parle moins dans les médias parce que  les traitements sont efficaces. Mais cela crée un paradoxe car finalement on a l’impression que ce n’est plus si grave que cela. Or, s’il y a une raison pour laquelle il faut continuer à se battre, c’est que ça continue d’être une maladie mortelle si le traitement est arrêté ou n’est plus efficace » conclut Jean-Christophe Plantier.

Date de publication : 01/12/22